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de plus, ils s’exerçaient assiduement au maniement des armes, des chevaux et des chars, et leur dextérité était célèbre parmi les Grecs. L’éducation des laboureurs, des pasteurs et des artisans était spéciale ; on les formait à leurs professions qu’il leur était interdit de jamais abandonner. Les enfans des classes populaires se nourrissaient d’herbages et de légumes grossiers : ils marchaient nus jusqu’à quinze ans, et jusqu’à cet âge leur entretien ne coûtait guère plus de vingt drachmes.

Les caractères de la théocratie égyptienne sont l’étendue, la profondeur, le mystère et l’immobilité. L’émanation divine s’étend sur cette terre et l’y pénètre en tous sens ; l’Égypte est peuplée des représentations de Dieu. Bossuet se trompe quand il dit qu’en Égypte tout était Dieu, excepté Dieu lui-même ; non, mais il y avait une foule de dieux, et au-dessus de tous ces dieux, un Dieu. Dans les profondeurs mélancoliques de son imagination, l’Égypte se représentait les ames comme destinées à des migrations successives, et à un circuit de trois mille ans ; elle appelait les habitations des vivans des hôtelleries, mais les sépulcres des morts étaient des demeures éternelles ; des traditions aussi vieilles que le monde, des symboles innombrables voilaient une philosophie dont les lueurs ardentes éclairaient seulement quelques initiés. Le mystère cachait majestueusement la vérité, exerçant sur les esprits la puissance de ses terreurs et de ses charmes, et puis tout était immobile ; le temps semblait sur les bords du Nil renoncer à la puissance de changer vite les hommes et les choses, et consentir quelque peu à leur immobilité pour les mieux donner en exemple au reste de la terre. Pyramide étendue et carrée dans sa base, infinie dans ses profondeurs, mystérieuse dans ses tombeaux, s’élançant dans les cieux par une aiguille immobile, telle est l’Égypte dans l’histoire, terre initiatrice et nourricière de l’humanité, terre féconde en moissons et en idées, où le symbole enferme la pensée, où le voile est jeté sur la nature, où le sphinx se tient à la porte du temple.

L’unité de Dieu ne devait pas rester confinée dans Thèbes et dans Memphis, et Moïse la tira d’Égypte avec la race d’Héber, sublime voleur qui emportait aux Égyptiens non-seulement leurs vases sacrés, mais leurs idées. La théocratie hébraïque repose sur