Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/364

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
360
REVUE DES DEUX MONDES.

triomphe. Le ministère d’abord a parlé de sa majorité. C’était dans l’ordre ; il l’avait promise, il fallait tenir ses engagemens. De là ces classifications subitement inventées, ces divisions de constitutionnels et de l’opposition, définition arbitraire, maladroite et insolente, qui place en dehors de la constitution tout ce qui ne vote pas pour le ministère. En posant les calculs sur cette base, rien n’était plus constant que le ministère avait la majorité. Peu après, la fierté s’est abattue. Avec cette immense majorité, on n’a rien osé, ce qui fait voir qu’on n’en était rien moins que sûr. On voulait de grandes mesures d’ordre, ce qu’on appelait une large réorganisation sociale, des lois contre le jury, contre la caricature et la presse ; le Journal des Débats l’avait annoncé dans ses larmoiemens prophétiques ; on ne voulait pas même un simulacre de session pour juillet : eh bien ! il n’est plus question de toutes ces lois ; le ministère ne pense plus à attaquer, il ne veut que se défendre. Il ne menace plus la constitution, pourvu qu’on le laisse en paix ; il sue pour se réorganiser ; il vient de se débarrasser du maréchal Soult ; la lutte s’engage entre M. Guizot et M. Thiers, entre l’austérité puritaine et absolue, et la duplicité de l’intrigue, des pots-de-vin et de la bourse ; puis, entre M. Thiers et M. Persil, personnages incompatibles, parce que l’un apporte cet esprit d’insolence pratique qui n’hésite jamais, même dans les affaires où la délicatesse est intéressée, tandis que le second n’a jamais eu qu’une conviction mal éclairée, furieuse souvent, mais toujours probe, et qui en est aujourd’hui au repentir. Vous avez vu successivement tous les noms un peu haut placés, Molé, de Broglie, etc., se retirer des affaires ; il faut que le ministère se personnifie en M. Thiers ; c’est sa destinée !

Le cabinet n’a plus devant lui la même chambre. Dans un parlement nouveau, les mêmes hommes prennent une autre couleur ; les partis s’offrent eux-mêmes dans d’autres combinaisons ; on dépouille la vieille peau ; et que sera-ce si ce parlement a vu renouveler presque la moitié de son personnel ? Nous y aurons des partis plus francs, des opinions plus tranchées ; on saura où l’on va, ce que l’on veut ; le tiers parti verra surtout s’effacer cette influence de médiocrité couarde, de boules cachées ; les ministériels seront francs comme l’opposition sera franche ; chacun aura sa responsabilité. Puis, enfin une somme plus forte de talens, de capacité, et c’est une bonne fortune pour le pays que des gens qui savent ce dont ils parlent, et qui peuvent parler à la tribune de ce qu’ils savent. C’était pitié dans la dernière chambre que cette outrecuidance ministérielle de M. Thiers, babillant de tout, soutenu par un centre extasié devant des non-sens, noyé sous un flux de paroles vides. Maintenant M. Thiers trouvera d’autres hommes que des hurleurs de majorité ou d’ignares ennemis ; on