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il tendait la main à don Juan de l’air le plus cordial. Don Juan, qui s’attendait à un tout autre début, reçut avec beaucoup d’empressement les politesses de don Garcia, et lui répondit qu’il se tiendrait pour très honoré de l’amitié d’un cavalier tel que lui.

« Vous ne connaissez point encore Salamanque, poursuivit don Garcia ; si vous voulez bien m’accepter pour votre guide, je serai charmé de vous faire tout voir, depuis le cèdre jusqu’à l’hysope, dans le pays où vous allez vivre. » Ensuite, s’adressant à l’étudiant assis à côté de don Juan : « Allons, Périco, tire-toi de là. Crois-tu qu’un butor comme toi doive faire compagnie au seigneur don Juan Marana ? » En parlant ainsi, il le poussa rudement, et se mit à sa place, que l’étudiant se hâta d’abandonner.

Lorsque le cours fut fini, don Garcia donna son adresse à son nouvel ami, et lui fit promettre de venir le voir. Puis l’ayant salué de la main d’un air gracieux et familier, il sortit en se drapant avec grâce de son manteau rapiécé.

Don Juan, tenant ses livres sous son bras, s’était arrêté dans une galerie du collége pour examiner les vieilles inscriptions qui couvraient les murs, lorsqu’il s’aperçut que l’étudiant qui lui avait d’abord parlé s’approchait de lui comme s’il voulait examiner les mêmes objets. Don Juan, après lui avoir fait une inclination de tête pour lui montrer qu’il le reconnaissait, se disposait à sortir ; mais l’étudiant l’arrêta par son manteau. « Seigneur don Juan, dit-il, si rien ne vous presse, seriez-vous assez bon pour m’accorder un moment d’entretien ? — Volontiers, répondit don Juan, et il s’appuya contre un pilier ; je vous écoute. » Périco regarda de tous côtés d’un air d’inquiétude, comme s’il craignait d’être observé, et se rapprocha de don Juan pour lui parler à l’oreille, ce qui paraissait une précaution inutile, car il n’y avait personne qu’eux deux dans la vaste galerie gothique où ils se trouvaient. — Après un moment de silence : — « Pourriez-vous me dire, seigneur don Juan, demanda l’étudiant d’une voix basse et presque tremblante, pourriez-vous me dire si votre père a réellement connu le père de don Garcia Navarro ? »

Don Juan fit un mouvement de surprise. — Vous avez entendu don Garcia le dire à l’instant même.

— Oui, répondit l’étudiant, baissant encore plus la voix ; mais