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auberges. Haller, le célèbre naturaliste, ne put y arriver sans briser sa voiture sur les mauvais chemins qui y conduisaient ; et pour donner les soins nécessaires à sa femme qui s’était blessée grièvement dans cette chute, il fallut envoyer chercher un médecin à Cassel.

Avec l’université, Goettingue reprend un nouveau lustre, une nouvelle existence, et n’est-ce pas une chose de haut intérêt que de voir ces conquêtes opérées par l’esprit, ces beaux fruits que la science porte à la fois et dans la vie intellectuelle et dans la vie purement matérielle de tout un peuple ? Avec les professeurs, arrivent les habitudes nobles, les travaux sérieux, la haute magistrature du savoir et de la pensée ; avec les cours universitaires, la troupe joyeuse d’étudians, le recueillement et le plaisir, les livres et les courses à cheval, les libraires et les cafés. De nouvelles maisons s’élèvent pour recevoir cette colonie, de nouvelles rues se forment. L’or du gouvernement et l’or des nouveaux venus afflue dans cette petite ville, qui, naguère encore, se traînait dans les minuties de son commerce de détail. L’aisance passe des hauts degrés de la bourgeoisie aux plus pauvres artisans : l’activité règne de toutes parts, et cette activité ne demeure plus infructueuse. On dirait d’un beau jour de printemps qui vient réveiller cette ville long-temps engourdie, d’une nouvelle sève qui circule dans tous ses membres, et leur rend la force et la chaleur. L’université est là entée sur cette pauvre ville de Goettingue, comme une plante aux longs et verts rameaux sur un pan de muraille à demi brisé. On regarde ces ruines noircies par le temps, et l’on s’étonne de voir grandir sur ce sol ingrat un arbre dont un coup de vent apporta la semence, et qui pousse ses racines entre les pierres mal jointes, tandis qu’avec ses larges branches, il couronne si bien un reste de créneaux.

L’université fut établie au mois d’octobre 1734, d’après un privilége de l’empereur Charles vi, et reçut, en mémoire de son fondateur, le nom de Georgia Augusta. On y appela de toutes les parties de l’Allemagne les professeurs qui s’étaient fait un nom par leurs écrits, ou leur manière d’enseigner. Il en vint de Leipzig, d’Iéna, de Wurtemberg et de la Suisse. Le gouvernement hanovrien leur assurait de grands avantages, et l’honneur de poser les bases d’une nouvelle université était pour ces apôtres de la science un puissant motif d’émulation. Là vint le bon Hollmann, qui a si bien dépeint l’ancien état d’appauvrissement intellectuel où se trouvait Goettingue ; Cursius, le professeur de théologie ; Buttner, le botaniste ; un peu plus tard, Tobie Meyer, l’astronome, et en tête de tous, le grand Haller, bien digne de présider à la formation d’un tel établissement. Quelques-uns de ces noms que les annales de Goettingue mentionnent avec orgueil, se sont un peu effacés, il est vrai, derrière les