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STATISTIQUE PARLEMENTAIRE.

ses gouvernans, ce système de cynisme, cette manière de faire sauter la carte et de mystifier le public dont les roués politiques se glorifient ; il serait ingénieux de suivre cette comparaison, et, dans l’histoire des choses du 7 août, de trouver plus d’un point de ressemblance avec les plus sublimes traits de scène de Frédéric Lemaitre.

Je vous avais dit que dans la nouvelle chambre, par la force même des faits, le tiers-parti serait obligé de se prononcer entre le ministère et l’opposition. Dans cette chambre renouvelée, où par conséquent les partis doivent se dessiner avec sincérité, l’existence d’une opinion tierce était une anomalie ; ce tiers-parti devait passer au ministère ou à la gauche. Soyez-en sûr ; dans tous les votes décisifs où il ne s’agira pas de simples phrases, mais d’actes et de votes positifs, le tiers-parti sera ministériel : quand il aura en face une opinion indépendante avec quelque générosité dans l’ame, une opposition avec ses justes griefs, sa marche dessinée et parlementaire ; de l’autre côté, un ministérialisme dévoué aux coups de police, aux fonds secrets, aux ignobles choses, aux tristes hommes du pouvoir, aux massacres de la rue Transnonain comme aux humiliations de la Pologne, il n’hésitera pas un moment ; le tiers-parti deviendra ministériel. S’il a à opter entre M. Thiers et M. Laffitte, entre M. Odilon Barrot et M. Persil, un doute ne sera jamais possible. Il pourra bouder un moment M. Thiers, mais c’est son homme de prédilection ; M. Thiers qui secoue si bien la poussière de ses bottes sur le front humilié des centres ; M. Thiers qui méprise tant les hommes et qui ne comprend que cette partie de caractère qui va droit à toute son histoire politique ; M. Thiers que le temps présent a placé si haut, parce que lui aussi est un type comme ceux dont nous avons parlé tout-à-l’heure, et qu’une certaine portion de la société, telle que l’a faite et flétrie la tristesse d’une époque de désordres et d’humiliations, se personnifie en lui.

Vainement le tiers-parti veut-il faire croire à son indépendance par quelques mots et quelques boutades qui ressemblent aux mauvaises humeurs passagères des domestiques de grande maison ; il fera peut-être insérer quelques phrases dans l’adresse. Mais comme le ministère, à tout prendre, met l’adresse dans sa poche, n’en tient compte qu’autant qu’il le veut ; comme en définitive tout se réduit à des boules, et que les boules viennent aux budgets, aux lois martiales, aux actes arbitraires, aux bills d’indemnité pour toutes les extorsions comme pour toutes les violations de principes, qu’importent quelques phrases de légalité, ce tocsin sonné pour un feu qu’on ne veut pas éteindre ? M. Dupin fera de beaux discours sur la liberté de la presse, protestera de sa vive tendresse pour les journaux ; mais quand il s’agira d’empêcher la suppression d’une de ces grandes