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STATISTIQUE PARLEMENTAIRE.

ils ont trop de talens, ils se prêtent un appui mutuel trop puissant, ils ont un besoin d’activité trop décisif pour ne pas chercher un rôle haut placé ; et si déjà aujourd’hui ils sont incertains dans leurs convictions pour le système de juillet, que sera-ce lorsque, rejetés brusquement en dehors des affaires ils joindront leur dépit à la prévoyance, lorsqu’ils se verront délaissés par le principe nouveau qu’ils croient avoir contribué à établir ?

Par cela seul qu’elle est école, la coterie doctrinaire est plus unie que toutes les fractions ministérielles ; il y a là un fonds commun de principes que tous les adeptes professent également. On ne peut contester une science profonde des faits, une manière précise de les juger, une élévation de pensées qu’on chercherait difficilement dans les autres fractions de la majorité. Je distinguerai pourtant trois nuances : l’école historique, l’école pratique, et l’école à principes, qui composent l’opinion politique connue sous le nom de doctrinaire.

L’école historique se perd dans un fait invariable qui est placé là devant elle comme modèle de conduite et avertissement pour l’avenir. La révolution anglaise de 1688, voilà ce qu’elle étudie, ce qu’elle applique sans détourner les yeux à droite ni à gauche. Va-t-elle chercher un exemple ? c’est là qu’elle le trouve ; un mobile de conduite ? c’est là qu’elle va le justifier. La révolution de 1688 a eu son arbitraire, ses prescriptions inflexibles ; elle a eu son aristocratie hautaine, ses parlemens corrompus ; pourquoi la révolution de juillet ne subirait-elle pas les mêmes phases, ne serait-elle pas soumise aux mêmes chances ? Point de distinctions entre les âges, les peuples et les deux constitutions, entre les faits dominant les deux révolutions, si diverses par leur caractère. Dans l’une, le pouvoir populaire faisant table rase en juillet de tout un passé ; dans l’autre, un mouvement de mauvaise humeur de l’aristocratie et de l’église chassant la vieille race de ses rois ; l’expulsion des Stuart ne modifia point le principe de la souveraineté : aristocratique elle était, aristocratique elle demeura ; seulement le chef de l’état fut changé ; et comment comparer deux faits si dissemblables, comment rapprocher deux événemens qui se séparent violemment l’un de l’autre ?

C’est cette comparaison perpétuelle qui égare l’école pratique des doctrinaires représentée aujourd’hui aux affaires par M. Guizot ; tant que ses comparaisons sont restées dans le domaine de l’histoire ou des méditations philosophiques, elles ont pu fausser les idées, tromper les esprits méditatifs, mais les résultats applicables n’ont point remué les masses et tourmenté le pays ; quand il s’est agi de convertir en lois, en mesures de gouvernement, ces principes spéculatifs de philosophie, quand on a voulu conduire une nation avec des similitudes, des comparaisons fausses,