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REVUE DES DEUX MONDES.

CAMILLE.

Oh ! oui, une sainte ! c’est ma grand’ tante Isabelle ; comme ce costume religieux lui va bien !

LE BARON.

Et toi, Perdican, que fais-tu là, devant ce pot de fleurs ?

PERDICAN.

Voilà une fleur charmante, mon père. C’est un héliotrope.

LE BARON.

Te moques-tu ? elle est grosse comme une mouche.

PERDICAN.

Cette petite fleur grosse comme une mouche a bien son prix.

MAÎTRE BRIDAINE.

Sans doute ! le docteur a raison ; demandez-lui à quel sexe, à quelle classe elle appartient ; de quels élémens elle se forme, d’où lui viennent sa sève et sa couleur ; il vous ravira en extase en vous détaillant les phénomènes de ce brin d’herbe, depuis la racine jusqu’à la fleur.

PERDICAN.

Je n’en sais pas si long, mon révérend. Je trouve qu’elle sent bon, voilà tout.



Scène iii.


Devant le château.


Entre LE CHŒUR.

Plusieurs choses me divertissent et excitent ma curiosité. Venez, mes amis, et asseyons-nous sous ce noyer. Deux formidables dîneurs sont en ce moment en présence au château, maître Bridaine et maître Blazius. N’avez-vous pas fait une remarque ? c’est que lorsque deux hommes à peu près pareils, également gros, également sots, ayant les mêmes vices et les mêmes passions, viennent par hasard à se rencontrer, il faut nécessairement qu’ils s’adorent ou qu’ils s’exècrent. Par la raison que les contraires s’attirent, qu’un homme grand et desséché aimera un homme petit et rond, que les blonds recherchent les bruns, et réciproquement, je prévois une lutte secrète entre le gouverneur et le curé. Tous deux sont armés d’une égale impudence ; tous deux ont pour ventre un tonneau ; non-seulement ils sont gloutons, mais ils sont gourmets ; tous deux se disputeront à dîner, non-seulement la quantité, mais la qualité. Si le poisson