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REVUE DES DEUX MONDES.

PERDICAN.

Sais-tu que cela n’a rien de beau, Camille, de m’avoir refusé un baiser ?

CAMILLE.

Je suis comme cela ; c’est ma manière.

PERDICAN.

Veux-tu mon bras, pour faire un tour dans le village ?

CAMILLE.

Non, je suis lasse.

PERDICAN.

Cela ne te ferait pas plaisir de revoir la prairie ? Te souviens-tu de nos parties sur le bateau ? Viens, nous descendrons jusqu’aux moulins ; je tiendrai les rames, et toi le gouvernail.

CAMILLE.

Je n’en ai nulle envie.

PERDICAN.

Tu me fends l’ame. Quoi ! pas un souvenir, Camille ? pas un battement de cœur pour notre enfance, pour tout ce pauvre temps passé, si bon, si doux, si plein de niaiseries délicieuses ? Tu ne veux pas venir voir le sentier par où nous allions à la ferme ?

CAMILLE.

Non, pas ce soir.

PERDICAN.

Pas ce soir ! et quand donc ? Toute notre vie est là.

CAMILLE.

Je ne suis ni assez jeune pour m’amuser de mes poupées, ni assez vieille pour aimer le passé.

PERDICAN.

Comment dis-tu cela ?

CAMILLE.

Je dis que les souvenirs d’enfance ne sont pas de mon goût.

PERDICAN.

Cela t’ennuie ?

CAMILLE.

Oui, cela m’ennuie.

PERDICAN.

Pauvre enfant ! je te plains sincèrement.

(Ils sortent chacun de leur côté.)
LE BARON, rentrant avec dame Pluche.

Vous le yoyez, et vous l’entendez, excellente Pluche ; je m’attendais à