Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/562

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
558
REVUE DES DEUX MONDES.

induméanes que voici, il avance avec la même gravité que l’Anjou a été peuplé par une colonie juive ; ce qu’il prouve par des étymologies vraiment admirables : « Le village d’Huillé, dit-il, est évidemment le Holoë d’Ézéchiel. » La Tabarderie, c’est Hadar, fils de Madian ; il retrouve des traces de son cher Anjou non-seulement dans la Bible, mais chez Homère. Il croit sérieusement que tous les écrivains grecs n’ont pensé qu’à l’Anjou, que l’antre des nymphes, si bien décrit par le poète, se rapporte aux localités situées entre Lignerelles et Chaufour ; enfin, comme preuve irréprochable et de la vérité de ses assertions et de la mission prophétique qu’il s’attribue et de la prévision d’Homère, il cite un vers de l’Odyssée, qui signifie évidemment, en retournant seulement les lettres :

« Pierre-le-Loyer, Angevin, Gaulois, d’Huillé. »

N’est-ce pas quelque chose d’admirable ? et après un pareil exemple de folie sérieuse, pourquoi vous citerai-je tous les ouvrages sur l’Onéirocritie, sur l’art de se rendre heureux par des songes ; les ouvrages historiques qui ont été consacrés à la description fort longue des songes de Louis xiv ; les innombrables folies ascétiques d’Arthus Désiré, de Doré de Beaulxamis, et de ce bon capucin anonyme qui adresse son livre aux mamelles, à la poitrine, aux pieds, aux genoux, au col, aux épaules inébranlables de la vierge Marie ? « Colonne de l’univers, dit-il, bouclier de défense, rempart de notre protection, » etc., etc.

Vous montrerai-je, dans ce coin-ci, les systèmes du monde ; le dernier, publié en 1830 par Woodley, qui soutient que la lune et les étoiles sont des fragmens de glace ; la sextessence diallactique et potentielle du conseiller Démons ; la Démonstration de la quatrième partie de rien ; les Oracles divertissans de Wilson de la Colombière ; les ouvrages de Fludd, etc., etc., etc. ?

Voici un compartiment plus digne d’intérêt et d’estime ; ceux-ci, ce sont les vrais humoristes, Gozzi, Cervantès, Sterne, Nodier dans son admirable Trilby, Cazotte dans ses petits chefs-d’œuvre que vous n’appréciez pas, enfin tout ce que le caprice a dicté au génie, toutes les arabesques de la pensée !

Ph. Chasles.