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LES ADVERSAIRES DE M. DE LA MENNAIS.

tualiste de purification intérieure et morale ; qu’il ne faut pas donner pour but à la venue et à la mort du Christ l’affranchissement politique sur la terre et l’établissement matériel de la liberté des peuples ! Peut-on mieux marquer la dissidence de la vieille doctrine avec l’esprit nouveau qui travaille à faire entrer dans la religion de l’humanité, la société comme l’individu, donc le droit, l’intelligence comme le sentiment, donc la science, les satisfaction terrestres comme l’attente de l’immortalité, donc le bonheur ?

Dans la Réponse nous trouvons aussi professée comme principe l’inaction et la neutralité de l’église au milieu des révolutions sociales : dans les grandes circonstances où les trônes chancellent, où les princes sont précipités, où l’autorité se renouvelle, l’église, dit M. Bautain, attend en silence que la volonté d’en haut se montre par l’évènement, et que les marques de l’investiture divine paraissent. C’est-à-dire que l’église, au milieu des douleurs de la terre, ne se dévouera plus comme Jésus-Christ, mais s’en lavera les mains comme Ponce-Pilate.

L’obéissance inaltérable à l’autorité, si injuste qu’elle soit, la résignation absolue, le mépris de la science, l’humilité de l’esprit, la vie intérieure recommandée comme le premier devoir, tout cela est développé par M. l’abbé Bautain avec un art lumineux, une méthode sûre, une logique sérieuse et puissante.

M. Bautain représente le christianisme conservateur et intelligent. M. de La Mennais représente le christianisme révolutionnaire et plus intelligent encore.

Il est évident que le célèbre professeur de Strasbourg s’est proposé, quand il est entré dans l’église, d’y faire entrer avec lui les idées, d’y régénérer la vieille théologie par un platonisme renaissant, et de ramener l’interprétation de l’Évangile au niveau de l’esprit du siècle. Il a pensé que pour cette grande mission le sacerdoce était un premier sacrifice qu’il devait à la vérité ; il a donc apporté à l’église des facultés vigoureuses, une infatigable volonté, de la doctrine, de l’éloquence. Sera-t-il compris dans son dévouement ? sera-t-il suivi, soutenu dans son entreprise ? N’entend-il pas murmurer autour de lui d’ineptes jalousies, de basses envies, de stupides accusations ? Le mot d’hérésie n’a-t-il pas été prononcé à