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colie, mais d’une mélancolie toute politique. La bataille est finie, Charlemagne est vainqueur, Didier fugitif. C’est alors que le chœur découragé vient déplorer avec une profonde amertume les illusions évanouies du peuple. Avant et pendant la lutte, le peuple se berce de magnifiques espérances,


Sogna la fine del duro servir.


Après la victoire, il reste enchaîné au milieu des ruines et retourne en pleurant


Ai solchi bagnati d’un servo sudor.


Ligués contre lui, vainqueurs et vaincus ont pactisé ; les forts se partagent entr’eux les troupeaux, les esclaves, et fraternisent dans le sang sur le champ de bataille où dort


Un volgo disperse che nome non ha.


Cela est beau comme les belles choses de notre Béranger.

Dans ce dernier chœur, les allusions à l’Italie sont diaphanes ; elles le sont bien davantage dans le chœur de Carmagnola, le plus beau, le plus patriote, le plus antique des trois : c’est une lamentation sur les guerres civiles, car ce sont deux peuples italiens qui vont en venir aux mains ; le poète rappelle les combattans aux sentimens éteints de la fraternité citoyenne ; puis, s’élevant tout d’un coup à la fraternité humaine, il lance l’anathème sur qui rompt le pacte sacré de l’humanité :


Siam fratelli ; siam stretti ad un patto :
Maladetto colui che l’infrange
Che s’innalza sul fiacco che piange,
Che contrista une spirto immortal !


Ce mouvement est grand, simple, religieux, social, et le vers qui le termine est sans nul doute le plus beau de l’Italie contemporaine.

Je suis donc arrivé au point désiré de mon voyage intellectuel où je n’ai plus qu’à louer, du moins quant à la forme ; car pour l’inspiration philosophique, j’ai plus d’une objection à proposer au