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DE L’INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE EN FRANCE.

sources suffisantes, tandis que l’Angleterre et la France, plus favorisées, mais cette dernière à un moindre degré, trouvent le moyen de faire face aux exigences d’une situation politique qui occupe tant d’hommes et absorbe tant de capitaux. Cependant c’est ici que nous entendons dire qu’il serait heureux que nous fussions arrivés à produire, par la betterave, au lieu de dix millions de kilogrammes, les quatre-vingts millions de sucre que la France peut consommer. On ne réfléchit pas que ce serait condamner au feu cent mille tonneaux de nos navires marchands et renvoyer à d’autres emplois huit à dix mille de nos meilleurs marins, en affaiblissant d’autant les moyens si précieux dont la défense de l’état dispose.

La meilleure, la plus sûre excitation de notre production industrielle, est tout entière dans la science des débouchés. Ce produit est parfait, mais à quels consommateurs s’adresse-t-il ? Quel est le peuple éloigné qui, pour l’acquérir, viendra nous offrir quelqu’autre denrée utile, quelque moyen de satisfaire de nouveaux goûts ? Dans la grande revue des nations qui se partagent la surface de la terre, quelles sont celles qui ont recours à nos travailleurs si laborieux, si intelligens, pour suppléer à l’imperfection des arts producteurs chez elles ? Quels objets nous offrent-elles en échange ? Quelles entraves, enfin, nos lois douanières n’apportent-elles pas à des communications dont la réciprocité seule assure les avantages et la durée ? Telles sont les pensées qui se pressaient dans notre esprit en parcourant ces longues salles où les merveilles de notre fabrication étaient étalées, et combien notre joie eût été grande si, au lieu des écriteaux qui indiquaient les achats de quelques objets de luxe pour la liste civile, nous eussions vu sur quelque étoffe, sur un assortiment de quincaillerie, sur un produit simple, mais d’un bon usage : Ceci est destiné à l’Amérique espagnole, au Levant, aux Indes-Orientales ! Nous aurions pensé alors que l’industrie française était dans la bonne voie. Quelque grande qu’ait été la munificence du roi et de sa famille, c’est bien autre chose d’avoir les peuples pour consommateurs. Mais le but de l’exposition était-il de nous faire faire la revue des sources de notre prospérité et des causes qui peuvent assurer l’existence des travailleurs ? non certainement, et pour s’en convaincre, il faut jeter un regard sur le principe de nos expositions publiques, et sur les motifs qui à diverses époques les ont fait renouveler.

Les fêtes publiques sont un des besoins les plus vifs des peuples dans l’état de civilisation. Associant la nation entière dans un concours vers un but unique, les solennités que l’état institue appellent toutes les classes à y figurer suivant le rang qu’elles occupent. Pour la multitude, le plaisir est d’autant plus grand que chacun y est à la fois acteur et spectateur. Ce-