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de 2 millions de kilogrammes de laine filée, dont la production et le travail ont été acquis au pays.

Les Anglais produisent plus de laine qu’aucun autre peuple, et cependant ils ont eu le bon sens d’admettre très facilement toutes les laines étrangères, en même temps qu’ils laissent sortir les leurs sans contrariété. Aussi leurs fabriques prospèrent, profitent de toutes les chances commerciales que le monde entier peut offrir, et offrent, au producteur de laines du pays même, le débouché le plus avantageux qu’il puisse rechercher. En France, nous voulons protéger la laine de nos troupeaux, et au lieu de chercher à améliorer le marché en nous occupant de trouver l’emploi des articles manufacturés, nous croyons avoir tout fait quand nous avons fermé la porte à la matière première étrangère. Aussi allons-nous voir quelle a été la suite de ces dispositions pour notre industrie manufacturière, si belle et si importante. Une ordonnance rendue récemment a réduit à la vérité à 22 pour cent le droit sur les laines, et elle a aboli le minimum des déclarations qui pourront à l’avenir être faites sur la valeur réelle. Mais ce palliatif est trop faible pour amener un notable changement dans l’état du commerce.


L’emploi le plus important qui se fasse de la laine est dans la fabrication des étoffes destinées aux vêtemens, et surtout de celles qui portent spécialement le nom de draps.

Les manufactures de draps ont, dans le cours d’un siècle et demi, conquis en France une supériorité bien caractérisée sous le rapport de la qualité, de l’éclat et de la couleur. L’exposition de 1834 est loin, quoi qu’on en ait dit, d’indiquer une marche rétrograde. Les efforts des fabricans, bien qu’entravés par tant de causes fâcheuses, ont conservé à cette industrie le rang où elle s’était élevée. Mais cette place est-elle d’accord avec les enseignemens de la science économique, et les résultats sont-ils en rapport avec le développement du mouvement social sur le globe entier ? Il nous sera, malheureusement, facile de démontrer que non, et la sévérité de nos observations ne doit pas empêcher d’en mesurer la portée.

Nous concevons qu’en France, un partage plus égal de la fortune publique a permis, depuis 1789, à un plus grand nombre de citoyens, d’atteindre à la consommation de certains produits réservés autrefois aux classes supérieures. Les fabriques des étoffes communes de nos aïeux, comme la ratine, la bure, le froc, se transforment petit à petit en fabriques de draps ordinaires, fournissant un vêtement plus décent, plus durable, qui fait disparaître les différences trop tranchées entre les diverses classes sociales. Les nuances extérieures, ramenées de plus en plus à un type