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voltige franco-allemande dans un petit cirque, ou bien des ascensions d’acrobates turcs, ou bien encore les danses lascives de baladins grecs, beaux enfans sans barbe et aux longs cheveux, sorte de bayadères mâles : le soir, ce sont des feux d’artifice ; toute la nuit, des illuminations. Quoi ! rien autre chose !

Et pourtant quelle fête, lorsqu’on laisse le spectacle pour les spectateurs ! Turcs, Grecs, Arméniens, Juifs, ont abandonné le sopha, la caserne, le bureau, le comptoir, l’atelier, le bazar, pour venir vivre au grand air, en molle et quiète contemplation ou en quête de divertissemens. Voyez cette foule ; moisson mouvante diaprée des turbans verts ou blancs des fils de Mahomet, des turbans bruns et des kalpaks noirs des rayas, des bonnets rouges de Fez que la réforme a fait éclore sur les têtes des vrais croyans ou des giaours affranchis, et des chapeaux francs perdus dans cette bigarrure ; pêle-mêle de robes longues et flottantes à l’asiatique, d’habits courts et étriqués à l’européenne, de caleçons lâches et battans retenus aux reins par de larges ceintures et se collant sur la jambe qui ressort bien dessinée, quelquefois nue, de fustanelles blanches retombant de la taille serrée, en jupons plissés et amples, jusqu’aux genoux ; de pantalons à la civilisée, de vestes prenant le buste à l’étroit, tandis que le reste du corps est bravement étoffé de manteaux de toutes les couleurs. Sous ces vêtemens divers, observez les traits et les attitudes des diverses races : d’abord le Turc Ottoman, face longue et large, front qui se déroule comme une zone unie au-dessous du turban, yeux grands, nez recourbé et plein, mâchoires carrées, barbe fournie, lisse et noire ; tête énorme, reposant sur un cou fort et gros ; physionomie d’orgueil débonnaire, de force qui dort confiante en elle-même, de sens droit et impérieux ; langage harmonieux, inaccentué, grave. Puis le Turc Tartare, différant du premier par un teint plus jaune, par une tête courte, où, sous un front bas, s’enfoncent de petits yeux noirs, relevés à leur angle externe, et rentre légèrement vers sa partie moyenne un nez pincé au bout et renflé par les narines : sorte d’ébauche de figure humaine, aux lèvres tristes, au poil rude et rare, attachée à un tronc de stature décroissante. Là, le Grec, le seul des rayas qui se plaise à porter sa chevelure, chez qui le nez, droit, quelquefois se continue, selon le modèle