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STATISTIQUE PARLEMENTAIRE.

traversé ce grand escalier semé çà et là d’orangers et d’arbustes odoriférans, laissant à droite la collection de tableaux raide et froide de l’école française, vous trouvez une pièce étroite, étouffée, où siégent habituellement 120 ou 130 personnes ; cette pièce est ornée de fauteuils qui ressemblent aux siéges à bras des cathédrales, et sur ces fauteuils des têtes de toutes les formes, des débris de tous les systèmes, une sorte de galerie historique de tous les temps et de toutes les révolutions : là des conventionnels à côté de loyaux gentilshommes ; ici des sénateurs de l’empire muets et flatteurs comme M. de Fontanes, à côté de la rigidité puritaine de quelques débris de l’opposition du tribunat ; puis des généraux, j’allais dire à côté des évêques, mais il n’y en a plus. M. de Sémonville a eu l’ingénieuse idée de remplir le vide qu’avait laissé l’église, par l’apparition instantanée des drapeaux autrichiens pris à Ulm ; galanterie de bon goût que le grand référendaire voulut faire sans doute à ce grand corps d’invalides qui compose la chambre héréditaire.

Ce local des séances de la pairie est si incommode, que si tous les pairs siégeaient avec assiduité, on y étoufferait ; mais les plus solennelles séances depuis la révolution de juillet n’ont jamais compté au-delà de 150 membres. Ils étaient plus nombreux et plus pressés sous la restauration : aussi avait-on songé à l’agrandir, et même un moment à transporter la pairie au Louvre. En 1826, lorsqu’il était bruit de la grande promotion de pairie qui finit et récompensa la chambre septennale, M. de Villèle manda chez lui M. de Sémonville, et lui dit avec ce ton nasillard qui cachait des projets si fins et des aperçus si ingénieux : « Mon cher M. de Sémonville, vous devez bien être mal à l’aise dans votre salle si étroite, vous ne pouvez pas y respirer ; ne serait-il pas possible de l’agrandir ? Un gouvernement comme le nôtre ne doit pas laisser les pairs du royaume dans un endroit si peu convenable ; trouvez-moi un moyen de vous mieux placer. » M. de Sémonville, aussi fin que M. de Villèle, et voyant bien que le ministre n’avait pas de motifs de s’inquiéter pour l’hygiène de la chambre qui venait de rejeter son projet de loi sur les rentes, lui répondit : — Vous vous occupez moins de nous que de ceux que vous voulez faire venir avec nous ; votre promotion sera donc bien nombreuse ? — Nous n’en ferons pas, répliqua M. de Villèle ; comment voulez-vous que nous imitions Decazes par une de ces promotions en masse pour ou contre un système : ce que je vous en dis, c’est pour la commodité de la chambre des pairs ; elle ne peut pas rester là, et si vous ne pouvez trouver un moyen, nous la transporterons au Louvre. — Au Louvre ! reprit M. de Sémonville ; vous ne voulez-donc plus faire de nous que des tableaux de la vieille école, ou bien un parlement que vous pourrez mander aux Tui-