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REVUE DES DEUX MONDES.

Et la moisson divine ondule à son essor,
Et les célestes fleurs, doucement secouées,
Versent comme un parfum sur les blanches nuées
Les pleurs de leur calice d’or.

Il va, semant partout cette fleur noble et sainte
Qui, — comme le lilas ou la molle hyacinthe,
Comme la violette aux timides senteurs,
Comme l’étoile d’or qui dans les herbes brille
Et tombe avec les foins sous la même faucille,
Ou le lis aux pâles couleurs ;

Comme le frais bluet qui dans les champs s’oublie,
Comme les Doigts de mort que rassemble Ophélie,
Comme la marguerite, étoile du chemin,
Douce et naïve fleur qui murmure et console,
Et dont la feuille vaut autant que la parole ;
Comme la rose et le jasmin,

Comme toutes les fleurs enfin de la nature ; —
Qui ne s’élève pas sous l’humaine culture,
Et trompe les efforts de l’homme ; car il faut,
Pour que cette fleur croisse aux terrestres collines,
Qu’un archange du ciel, aux belles mains divines,
En jette le germe d’en haut.

Il vole, et va semant partout sur notre globe
Et de ses ailes d’or, et des plis de sa robe,
De ses mains, de ses pieds, de tous ses vêtemens :
Ainsi qu’une liqueur d’un vase saint enfuie,
S’échappe goutte à goutte une mystique pluie
D’étoiles et de diamans.

Et les perles du ciel, les divines rosées,
Dans la vaste étendue errantes, dispersées,
Vont tomber au hasard où les chasse le vent,
Sur terre cultivée ou bien sur terre inculte,
Sur l’enfant né d’hier, sur le front de l’adulte
Qui déjà s’incline en rêvant !