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d’orgueil et de noblesse pour vos fils. » Malgré ce langage outrecuidé, la signora fut inexorable et refusa de saluer non-seulement l’Arétin, mais le troupeau des Arétines qui, par ordre du maître, la saluait toujours quand elle passait.


Au surplus, l’Arétin avait arrangé sa vie pour le plaisir et non pour l’amour. Au temps de sa jeunesse, avant qu’il eût un sérail, la comtesse Madrina l’avait préféré ; maintenant, au milieu de ce tourbillon de femmes, il est trompé par toutes celles qu’il courtise, volé de temps en temps par les Arétines, et méprisé par celles qui conservent quelque respect humain. Marietta Dall’ Oro, une des habitantes de son harem, avait envie de le quitter : il lui promet de la marier si elle veut rester chez lui. Au moyen d’un peu d’argent, mobile éternel, il persuade à Ambroise Degli Eusebi, son secrétaire et son élève, d’épouser la Marietta, et d’habiter avec elle sa maison. Ambroise avait vingt ans, il accepta les conditions de son maître. Peu de temps après la noce, l’Arétin, pour se débarrasser du jeune mari, l’envoie en France toucher une somme que François Ier avait promise. À trompeur, trompeur et demi. L’Arétin accompagne pendant quelques lieues son élève sur la route pour s’assurer de son départ, couche à l’auberge et ne revient que le lendemain. La Marietta était déjà partie. « Hélas, dit-il, elle m’a assassiné, elle m’a tout volé. » En effet, elle n’avait laissé dans cette maison dont on lui avait confié le gouvernement ni un écu d’or, ni une pièce d’argenterie, ni un seul vêtement. En vain l’Arétin fit des recherches : la Marietta s’était embarquée dès l’aurore avec son pillage sur un vaisseau qui faisait voile pour l’île de Chypre. Toute la ville de Venise se moqua de l’Arétin, et quand il passait dans la rue, on criait : « Regardez-le, regardez-le ! » — Ce ne fut pas tout encore ; Ambroise, qui revenait avec six cents écus donnés par François Ier, joua les écus et les perdit.

Oh ! l’Arétin se fâchait quand on lui enlevait de l’argent. Les six cents écus donnés par ce bonhomme de roi ne lui échapperont pas. Il s’enquiert et apprend que le cardinal Gaddi était présent pendant que le jeune homme hasardait chez Strozzi l’argent de son maître. Aussitôt il écrit au cardinal :

« D’abord je voulais ne vous dire mot de ce qui s’est passé, ni