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dre. Du reste, ils ont tous deux le tort grave de n’avoir point été dirigés selon des plans précis et fermes. Aussi, nous craignons que l’un ne reste incomplet dans sa réalité, comme l’autre dans sa logique.

Mais nous croyons pouvoir affirmer que, de tous ces tableaux du présent et du pays, ressort l’avertissement d’une unité prophétique, dont les hommes peuvent laisser au temps la charge de développer les conséquences inévitables. Dans toutes ces voix particulières que nous avons essayé de caractériser, on retrouve des notes communes et des cris involontaires qui présagent d’heureuses destinées. L’angoisse de la douleur, l’ennui de l’oisiveté, l’impuissance du fanatisme, sont des indices aussi certains des grandeurs de l’avenir que l’ardeur et la raison de la jeunesse. Mais nous pouvons trouver les mêmes signes dans la direction des études actuelles vers le passé de l’histoire et vers les nations extérieures.


L’histoire du xvie siècle, par le bibliophile Jacob, est ainsi faite qu’elle doit s’attirer à la fois l’approbation et les blâmes de la critique. M. Paul Lacroix, dit le Bibliophile, semble avoir surtout le goût des recherches et des compilations historiques ; il aime à découper les chroniques, à les reproduire, à les copier ; il se plaît, par une érudition patiente et quêteuse, à retrouver le passé dans sa physionomie la plus servilement calquée sur certains monumens et sur certains témoignages ; il annote, il exhume, il coud ensemble les lambeaux exhumés ; c’est ainsi qu’il a composé les deux premiers volumes de l’histoire du xvie siècle, en transcrivant à la suite de nombreux passages des chroniques et des vieilles histoires. Eh bien ! ce genre de labeur est estimable et mérite qu’on le loue. Dans la vaste distribution de travail qui doit présider à l’œuvre historique de notre siècle, il faut des écrivains que la nature de leur esprit porte plus particulièrement à recueillir les faits, à mettre en lumière les autorités, les récits authentiques, les mémoires originaux, sans but, sans idée, sans dessein, qui fassent des recherches pour l’amour des recherches elles-mêmes, qui ne veuillent rien élever eux-mêmes, mais qui amassent le plus de matériaux possible, et qui se délectent avec une ardeur infatigable dans la compilation. Nous sommes de l’avis de M. Paul Lacroix, compiler est une bonne chose, mais dans son ordre et à sa place ; aussi nous ne chercherons nullement à le détourner des recherches et des compilations ; nous louerons même de grand cœur son aptitude véritable pour ce genre de travail ; mais nous lui demanderons pourquoi, compilateur utile, il s’attache à dégrader l’histoire ou plutôt à la nier, pourquoi il manifeste dans sa préface une indifférence si railleuse pour les idées. Que signifie cette lutte qu’on voudrait établir entre les faits et les systèmes ?