enfin gagné sur elle de lui en faire un sacrifice et de les recevoir en ses bonnes grâces, puisqu’elle luy voyoit tant de répugnance à le renvoyer, et tant de peine à voir sa mère s’exclure du conseil, à cause de la présence de ce ministre, avec qui elle ne feroit plus difficulté de s’y trouver désormais, par amitié et par attachement pour luy, Roy.
« Cette déclaration fut reçue du Roy avec une grande joie, et comme la chose qu’il désiroit le plus, et qu’il espéroit le moins, et qui le délivroit de l’odieuse nécessité de choisir entre sa mère et son ministre. La Reyne poussa la chose jusqu’à l’empressement, de sorte que le jour fut pris au plus prochain (car on arrivoit encore de Lyon, les uns après les autres), auquel jour le cardinal de Richelieu et sa nièce de Combalet, dame d’atours de la Reyne, viendroient à sa toilette, recevoir le pardon et le retour de ses bonnes grâces. La toilette alors, et long-temps depuis, étoit une heure où il n’y avoit ny dames, ny courtisans ; mais des personnes en très petit nombre, favorisées de cette entrée, et ce fut par cette raison que ce tems fut choisi ; la Reyne logeoit à Luxembourg qu’elle venoit d’achever, et le Roy, qui alloit et venoit à Versailles, s’étoit établi à l’hôtel des Ambassadeurs extraordinaires, rue de Tournon, pour être plus près d’elle.
« Le jour venu de ce grand raccommodement, le Roy alla à pied de chez luy chez la Reyne. Il la trouva seule à sa toilette, où il avoit été résolu que les plus privilégiés n’entreroient pas ce jour-là : en sorte qu’il n’y eut que trois femmes de chambre de la Reyne, un garçon de la chambre ou deux, et qui que ce soit d’hommes, que le Roy et mon père qu’il fit entrer et rester. Le capitaine des gardes même fut exclus. Madame de Combalet, depuis duchesse d’Aiguillon[1], arriva, comme le Roy et la Reyne parloient du raccommodement qui s’alloit faire en des termes qui ne laissoient rien à désirer, lorsque l’aspect de madame de
- ↑ Fille de René de Vignerot et de Françoise du Plessis, sœur aînée du cardinal. Richelieu l’avait mariée à un sieur de Combalet, neveu du connétable de Luynes, tout puissant alors. La tendresse aveugle qu’il eut pour cette dame, donna quelque prise à la calomnie. On l’accusa en outre d’intriguer sourdement pour l’élever jusqu’au trône, en la mariant en secondes noces au duc d’Orléans, frère du roi, ou même à Louis xiii, par la répudiation d’Anne d’Autriche. Ce qui est positif, c’est que, ce mariage ayant été proposé au comte de Soissons par le comte de la Ferté-Sennetaire, il fut répondu au messager officieux par un rude soufflet. De là, les inimitiés du cardinal et du comte de Soissons, et peut-être la guerre civile où périt ce dernier.