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de croix ; de Salvator, ses batailles, et ne soupçonne pas le sublime Samuel.

Il faudra bien qu’elle se convertisse, et qu’elle consente à élargir le cercle de son admiration. Après l’épreuve de Margarita, il ne doit plus rester aucun doute chez les plus obstinés : l’actrice, dévouée jusqu’ici aux déchiremens du drame nouveau, a pris droit de bourgeoisie dans la haute comédie.

Le troisième acte, plus vide encore et plus nul que les deux premiers, semblait défier tous les efforts de l’actrice et la condamner à un complet effacement. Échappée à la mort qu’elle avait tentée, détachée de la vengeance comme d’un crime désormais inutile, que pouvait faire Margarita ? que pouvait-elle essayer contre un amant qui ne se décide à rien, ni au retour ni à l’abandon ? Luttera-t-elle contre la vanité nouvelle et ardente qui vient d’envahir l’ame du poète ? À cette ame blasée dont la gloire n’a pas su étancher l’ambition, et qui court au-devant du danger pour éveiller un bruit inconnu autour de son nom, offrira-t-elle, comme autrefois, un amour sincère et sans réserve ? Non ; elle n’a plus qu’un parti, le renoncement : elle se résigne au seul rôle qui lui reste ; elle se dévoue sans espérance ; elle engage le reste de ses années pour l’accomplissement d’une promesse, sans rien attendre du maître qui lui commandera.

On le sait, rien au théâtre n’est plus difficile à rendre qu’un sentiment passif. Or, quoique le renoncement soit le dernier terme de la force humaine, quoique les passions les plus actives soient fort au-dessous d’une pareille énergie, pour les yeux de la foule le renoncement n’est guère autre chose qu’un suicide anticipé. C’est pourquoi il ne peut se traduire qu’avec de grands ménagemens. La passion vivante, qui marche à son but, a, dans le regard et la voix, des interprètes naturels et trouvés d’avance ; la passion comprimée, qui persévère dans sa durée, et qui, cependant, ne veut plus faire un pas pour se réaliser, ne saurait se révéler aussi simplement.

L’actrice n’a pas omis une seule de ces complications, elle n’a reculé devant aucune de ces difficultés ; gracieuse dans son abandon, admirable dans sa colère, elle a été sublime dans sa résignation. Pour tous les cœurs savans, vieillis dans les épreuves douloureuses,