Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/593

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
589
DES ORIGINES DU THÉÂTRE EN EUROPE.

nes. Le génie plastique, le génie musical, le génie mimique, sont pour lui autant d’instrumens de séduction et de puissance. Chez les nations où le sacerdoce a maintenu le plus constamment son empire, chez les peuples de race sémitique, et chez les nations mahométanes, par exemple, l’imagination dramatique, absorbée presque entièrement par les rites, est à peine sortie de l’enceinte des temples. Nous trouvons les jeux dramatiques plus développés, mais toujours originairement hiératiques, dans ce que l’on peut entrevoir de l’ancienne civilisation des empires du Mexique et du Pérou. Il n’y a pas jusqu’aux sauvages de l’intérieur et des côtes de l’Afrique, jusqu’aux habitans des îles de la mer du Sud, jusqu’aux nouveaux Zélandais et aux Kamtchadales, peuples placés aujourd’hui sur l’échelle sociale à peu près au niveau des sauvages pélasgiens, étrusques et latins, ou des hordes franques, saxonnes et normandes, chez qui les prêtres et les sorciers ne s’efforcent de dominer les imaginations par des cérémonies figurées, des travestissemens bizarres, et de petits drames dont les voyageurs nous ont rapporté des relations vraiment curieuses.

Si l’église chrétienne attaqua pendant les six premiers siècles, avec tant d’énergie, les jeux du cirque et du théâtre, c’était surtout en tant que païens et comme souillés d’idolâtrie et de cruauté. L’église s’est élevée de toute l’éloquence de ses saints Pères contre les immolations du cirque, et les obscénités de l’orchestre, qui révoltaient jusqu’aux païens non corrompus, et contre lesquelles Julien argumentait si rudement à Antioche. Plus tard quand le christianisme fut dominant, et qu’avec l’aide des barbares en Occident et celle des Sarrasins en Orient, il eut anéanti les jeux scéniques, l’église continua d’anathématiser les chants et les facéties des baladins qui continuaient l’idolâtrie dans les carrefours, et propageaient le paganisme dans les châteaux. Mais, en même temps, l’église faisait de son côté appel à l’imagination dramatique, elle instituait des cérémonies figuratives, multipliait les processions et les translations de reliques et instituait enfin ces offices qui sont de véritables drames, celui du Prœsepe ou de la crèche, à Noël, celui de l’étoile ou des trois rois à l’Épiphanie, celui du sépulcre et des trois Maries à Pâques, où les trois saintes femmes étaient représentées par trois chanoines la tête voilée de leur aumusse ad