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LA DERNIÈRE CRISE MINISTÉRIELLE.

loppa, avec cette lucidité de raison et cette abondance de paroles qui le distinguent, la nécessité pour sa couronne de briser avec l’opinion orgueilleuse qui voulait dominer exclusivement le conseil. Louis-Philippe a comme trait caractéristique une manière chaude et pressante d’attirer vers lui les hommes ; il est raisonneur, il sait s’emparer d’une faiblesse d’esprit, d’une vanité, des souvenirs, des dévouemens, pour dompter toute résistance, et il ne lui fut pas difficile d’entraîner M. de Bassano, tout fier de la confiance royale, à accepter la direction des affaires qu’il ambitionnait depuis long-temps. Quand cette première concession fut faite, on agita la question des noms propres, et ici l’influence du roi se montra non moins vive et pressante.

Une vieille coutume de la race des Bourbons depuis Louis xiv, et elle s’est maintenue puissamment dans la tête de Louis-Philippe, c’est de choisir exclusivement les ministres des affaires étrangères et de la guerre. Louis xviii fut le seul des princes de sa famille qui reçut avec résignation les conditions du gouvernement représentatif, et encore chercha-t-il, par le président de son conseil, à exercer sur les deux départemens qu’il considérait comme la clé de voûte, une influence positive et déterminante. Ces traditions, Louis-Philippe les observe plus que personne ; elles lui paraissent d’autant plus nécessaires, qu’il sent que la position est grave, et qu’il ne peut laisser à des capacités indépendantes de lui la direction des affaires diplomatiques à l’extérieur, et de la force armée à l’intérieur. Excepté le ministère Laffitte qui fut comme une nécessité subie avec douleur (et encore que de choses secrètes se firent à son insu !), Louis-Philippe a gardé avec soin cette double et haute direction. Quand donc M. de Bassano fut chargé de la présidence du conseil, le roi posa la nécessité de bien s’entendre d’abord sur le choix des personnes qu’on placerait aux relations extérieures et au ministère de la guerre, et présenta, sans longs préliminaires, M. Bresson pour l’un, et le général Bernard pour l’autre ; il déclara, quant à M. Bresson, que, sans avoir un nom éclatant et nobiliaire, il avait acquis un certain éclat dans la question hollando-belge, on était fort content de lui à Berlin ; c’était un esprit clair, net, méthodique, nullement embarrassant ; qu’il ne voyait que lui en dehors de la coterie doctrinaire, car pourrait-on choisir M. de Saint-Aulaire ou M. de Barante, si intimement liés à M. Guizot ? Le roi, continuant sur le même ton, insinua avec une habileté remarquable à M. de Bassano que, lorsqu’il y avait un président du conseil, les grandes affaires passaient toujours sous ses yeux ; le ministre des relations extérieures n’était donc qu’un commis actif, intelligent, et que plus il serait pris dans le bas de la hiérarchie, plus aussi on trouverait en lui cette obéissance aux