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parlementaires de MM. Guizot et Thiers ; c’étaient des influences colossales, et à mesure que le cabinet Bassano s’affaiblissait, le crédit du système tombé devenait plus grand.

On avait à vaincre pourtant quelques répugnances du roi, quelques ressentimens de sa récente discussion avec M. Guizot ; ses amis faisaient amende honorable sur ce point. « Pourquoi M. Guizot s’était-il exprimé avec tant de chaleur ? Quel système défendait-il avec cette énergie ? N’était-ce pas le système du roi lui-même, la propre pensée de son pouvoir, les prérogatives de son autorité ? Si les chances parlementaires ou toute autre combinaison rappelaient M. Guizot aux affaires, ne serait-il pas facile à Louis-Philippe d’obtenir une parfaite explication sur la manière dont ce ministre entendait le système du roi ? La chaleur, n’était-ce pas le dévouement ? Et puis comment remplacer la souplesse de M. Thiers, cet esprit d’expédiens qui allait si bien aux affaires ? Il fallait laisser se perdre la coterie qui s’était emparée des portefeuilles : quelques jours de pouvoir suffisaient pour cela ; tout s’arrangerait devant les chambres. » La haute banque, les pairs intimes, le corps diplomatique, tenaient ce langage, le répétaient chaque soir, et ce fut dans cet intervalle qu’arrivèrent les démissions de MM. Passy et Teste au château. Elles prirent le roi dans une situation d’esprit favorable à un rapprochement avec le dernier cabinet ; il était mécontent de la tournure que le ministère Bassano voulait imprimer aux affaires. Dès lors le roi se montra plus disposé aux ouvertures qui lui furent faites ; et quand M. de Bassano se vit dans l’impuissance de former un conseil, quand on eut essayé M. Thiers seul et quelques autres combinaisons qui ne furent jamais sérieuses, Louis-Philippe se vit forcé de se tourner encore une fois vers les quatre élémens principaux du dernier ministère : MM. Thiers, Guizot, Humann et de Rigny. On négocia une lettre dans laquelle M. Guizot exprimait au roi, non-seulement son dévouement personnel, « mais encore le sentiment de peine qu’il éprouvait de ce qu’on eût pu mal interpréter les chaleureux témoignages d’assentiment à un système qui était celui du roi, et qu’il se faisait honneur de présenter à ses amis comme à ses ennemis. » La lettre portée aux Tuileries, il n’y eut plus d’obstacle à la rentrée aux affaires des anciens ministres ; seulement on en revint aux derniers embarras, le choix d’un président du conseil, d’un ministre de la guerre et de la marine, car l’amiral Jacob ne voulait déjà plus d’un département où on l’avait si légèrement sacrifié à des intrigues et à des nécessités d’intérieur.

Il fallait aussi négocier le rapprochement des cinq ministres doctrinaires avec M. Persil qui naguère les avait trahis. Le roi ne voulait point