Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/618

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
614
REVUE DES DEUX MONDES.

L’acceptation du maréchal Mortier ne faisait pas le ministère complet : on était sûr de la bonne volonté de M. Humann, qui n’était point arrivé à Paris, et l’on ne pouvait passer à pieds joints sur toutes les convenances ; il y avait aussi le ministère de la marine vacant. Mais la pierre fondamentale du ministère était posée, car le vide de la présidence était rempli ; c’était là le seul point de difficulté réelle ; pouvait-on laisser le ministère plus long-temps en vacance ? Ne fallait-il pas immédiatement s’emparer du pouvoir qu’on venait de quitter ? L’ordonnance parut ; on se crut sûr d’un ministre de la marine, et des négociations s’engagèrent encore, d’une part avec le général Guilleminot, de l’autre avec l’amiral Duperré. Le général Guilleminot n’était certes pas très éloigné des idées et du mouvement ministériel ; mais tout en adoptant les principes posés, le ministère de la marine qu’on lui offrait était-il en rapport avec ses antécédens, avec les prétentions qu’il pouvait justement faire valoir ? Le général avait passé à travers la diplomatie active ; il avait jeté quelque éclat à Constantinople ; et que lui offrait-on ? Non point le ministère des affaires étrangères, mais le dernier de tous, la marine. Je crois difficile maintenant, avec le bouleversement de toute la hiérarchie, qu’il puisse rester des hommes politiques pour les postes secondaires ; c’est un malheur. Quand une fortune inespérée porte au premier rang des hommes presque toujours obscurs, comment est-il possible qu’on trouve des sujets distingués et importans pour des positions qui ne sont pas en première ligne. Qui désormais voudra être sous-secrétaire d’état, conseiller d’état ou ministre de la marine, quand je ne sais quels noms propres ont été jetés là sans motifs ? Tout le monde voudra être premier ministre ou rien. Sur le refus du général Guilleminot, on revint donc à l’amiral Duperré, et ici nouvelles instances, nouvelles supplications, nouvelles promesses ; on s’est agenouillé pour compléter le cabinet.

Ce cabinet existe ; il manifeste ses actes, déclare ses principes, il veut vivre et se conserver. Quelles sont ses chances ? quelle sera sa durée probable ? dans quels rapports se trouve-t-il avec le roi et les chambres ? Questions graves que le pays doit examiner. M. Guizot est un homme sérieux qui a réfléchi sur la marche et les conditions du gouvernement représentatif : je raisonnerai donc gravement avec lui. Il a médité sur le mouvement des opinions, sur la marche des esprits, et c’est précisément avec ces élémens, ces premières données que je résumerai la situation actuelle. Quant à M. Thiers, homme d’expédiens, je le mettrai également en présence de ces moyens qu’il chérit avec tant de tendresse : que fera-t-il du pouvoir ? où conduira-t-il le pouvoir ?

Deux grandes causes de dissolution existent pour le présent cabinet : le