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une mélodie heureusement d’accord avec l’émotion, recommandent ces courtes pièces. On peut voir maintenant que Charles d’Orléans et Thibaut de Champagne, qui avaient pris à eux seuls toute la gloire de leurs contemporains ou devanciers, n’étaient que d’heureux et premiers échantillons de cette branche de notre poésie qui s’étend depuis le milieu du xiie siècle jusqu’à la fin du xve, et qui cesse dans la poésie plus érudite de la Renaissance. À l’article de Hues de la Ferté, M. Paris a traité et éclairci, avec une érudition légèrement railleuse, la question des amours de la reine Blanche et de Thibaut de Champagne, que l’éditeur des Chansons du comte, dans le dernier siècle, avait essayé de nier : la discussion de M. Paris est un vif exemple de l’appui qu’une chanson bien interprétée peut apporter à un point d’histoire. Nous attendons avec intérêt la suite de ces publications auxquelles nous désirons, non pas plus de goût ni de soin, mais des considérations parfois plus étendues et des points de vue éclairés par une littérature plus générale.


S.-B.


En offrant à nos lecteurs deux fragmens inédits du duc de Saint-Simon, nous n’avions pas à craindre ce premier mouvement d’incrédulité qui accueille toujours les découvertes littéraires. Nous donnions explication satisfaisante des origines : et d’ailleurs, on reconnaît si aisément la manière du célèbre écrivain, que chaque page apparaît en quelque sorte signée de cette main qui vivifiait tout ! Mais on a lancé contre nous une accusation grave ; on a publié, sans s’appuyer de preuves, que nous n’avons fait que reproduire des passages empruntés aux mémoires connus. Pour épargner à cette assertion la qualification sévère qu’elle mérite, nous supposons qu’elle a été émise sous l’impression d’un souvenir confus. Tels sont les faits. Saint-Simon, dans une digression relative à son père, favori de Louis xiii, a dû rappeler quelques traits de l’histoire générale et notamment l’affaire du Pas-de-Suze (tome ier, page 69). Mais nous n’y voyons pas vivre Louis xiii, comme dans le morceau trois fois plus étendu que nous avons donné ; nous n’y retrouvons pas ce qui caractérise l’auteur, et que lui-même a appelé, dans son introduction générale, les diverses machines du théâtre du monde, les riens apparens qui en ont mu les ressorts.

Saint-Simon nous apprend lui-même pourquoi il a omis ou tronqué dans ses mémoires les faits qu’il a, long-temps après, développés pour réfuter Fontenay-Mareuil. « Je serais trop long, dit-il (tome ier, pag. 60), si je me mettais à raconter bien des choses que j’ai sues de mon père. Je me contenterai de quelques-unes remarquables en général. Je ne m’arrêterai point à la fameuse Journée des Dupes, où il eut le sort du cardinal de Richelieu entre les mains. » C’est dire assez que celle de nos relations qui porte ce titre est complètement neuve. Elle présente un drame complet et suivi. La réception de Mme de Combalet nous paraît une des heureuses pages de l’auteur. Écrite en 1753, elle apprendra aux biographes de Saint-Simon qu’à l’âge de soixante-dix-huit ans, il avait conservé la pétulante jeunesse de son style.


F. BULOZ.