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faire face à leurs adversaires. La guerre allait recommencer en Toscane, et recommencer avec tous les caractères de la première lutte des Gibelins et des Guelfes. Les Blancs et les Noirs ne pouvaient se combattre qu’en changeant respectivement d’opinion et de rôle, qu’en cédant, chacun de son côté, à des influences opposées à celles qu’ils avaient suivies jusque-là. — Obligés désormais de s’appuyer sur les Gibelins, les Guelfes populaires ou les Blancs allaient, par là même, guerroyer dans l’antique intérêt de la noblesse et de la féodalité. Devant employer pour leur défense les forces du peuple florentin, les Guelfes aristocratiques ou les Noirs allaient, de toute nécessité, et qu’ils le voulussent ou non, seconder les tendances démocratiques de ce même peuple. — Les deux partis avaient, de la sorte, fait échange de rôle et d’opinion, les uns pour l’amour d’un pouvoir qu’ils tenaient et voulaient conserver ; les autres, dans l’espoir de recouvrer le pouvoir qu’ils avaient perdu.

Le pape Boniface viii essaya vainement d’empêcher cette guerre, dont il était l’auteur : il ne put que la retarder de quelques jours, par une intrigue assez impudente, mais qui de sa part ne peut plus étonner. Uguccione della Faggiuola, Gibelin déterminé, depuis célèbre par sa domination sur Lucques, et par ses victoires sur les Florentins, était alors podestat à Arezzo, et, pour je ne sais quelle offense envers l’Église, excommunié par Boniface viii. Boniface commença par le relever très poliment de la sentence prononcée contre lui, et lui fit ensuite promettre de faire un de ses fils cardinal ; après quoi il se hasarda à le prier d’user de tous les moyens en son pouvoir pour chasser d’Arezzo les Blancs, qui y avaient établi leur quartier-général. Uguccione lui obéit : il vexa de tant de manières et tourmenta si fort les réfugiés, qu’il les força de quitter Arezzo.

Ils se dispersèrent alors de divers côtés : les uns se rendirent à Sienne, les autres à Pistoie, le plus grand nombre à Forli. Dante fut de ces derniers, et ce fut, je crois, pour la première fois qu’il mit le pied en Romagne.

Une fois établis à Forli, les Blancs, que je nommerai désormais les Blancs-Gibelins pour indiquer l’amalgame des deux partis en un seul, se mirent en campagne, et commencèrent la guerre avec une armée de douze cents cavaliers et de quatre mille fantassins. Mon intention n’est pas de raconter même sommairement la suite de cette guerre ; ce sera assez, pour mon objet, d’en rappeler quelques incidens, plus particulièrement liés à la vie de Dante, ou qui furent pour lui des thèmes de poésie.

La première tentative des Blancs-Gibelins fut un échec. Ayant mis le siége devant la forteresse de Pulciano, dans la haute vallée de la Sieve,