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ne sont pas brouillés ; elle lui a laissé son portrait, et il lui écrit : — Soit, quelques lettres varieront la forme et rompront la monotonie de la narration.

Pendant cette absence, toujours la même douceur, la même résignation : — Esclave triste, je ne pense à rien, si ce n’est au bonheur de ceux avec qui vous êtes. — Mais on voit qu’il souffre : — Je suis fait pour attendre, quoique attendre soit l’enfer ; — il se sent vieillir ; il devient pessimiste ; tout ce qu’il voit le fatigue et le dégoûte, et il voudrait en finir avec tout cela, n’était que mourir ce serait laisser son amour seule. Ce sonnet, le soixante-sixième, dans lequel il sonde les plaies éternelles de toute société, est plein d’énergie et d’originalité ; il ne redoute aucun parallèle ; je regrette de n’en pouvoir donner ici une idée, je craindrais de le gâter par trop en le traduisant ; mais cette pensée de mort le poursuit, et elle se reproduit dans le soixante-onzième sonnet, non plus comme un désir, mais comme un événement possible.


Moi mort, ne me pleurez que tant qu’au sein des airs
La cloche, à la voix sombre, annoncera qu’une ame
Au céleste foyer a rapporté sa flamme,
Qu’un cadavre de plus habite avec les vers.

Par pitié pour tous deux ! si vous lisez ces vers,
Oubliez-en l’auteur : on le raille, on le blâme ;
Et combien j’aime mieux l’oubli que je réclame,
Que si penser à moi rendait vos jours amers !

Oui, si vous les lisez, ayez bien soin de taire
Un nom qui doit dormir avec moi dans la terre ;
Que je sois par la mort de votre amour exclus ;

Car j’aurais trop de peur qu’épiant chaque larme
Ce monde si sensé de moi se fît une arme
Pour vous blesser au cœur quand je n’y serai plus.


Il paraît que ces idées tristes lui ont valu quelques témoignages de tendresse ; car, dans le soixante-treizième, où il se dit vieux, il ajoute : — Et tu ne m’en aimes que mieux, aimant ce qu’il te faudra perdre avant peu. — Dans le suivant même, il la console en lui