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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/755

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L’ARÉTIN.

De ce grand nombre d’ouvrages, nous défalquerons d’abord toutes les œuvres sacrées : absurdes romans dont le style est aussi détestable que les faits y sont controuvés. On voit qu’il n’avait d’autre but en les écrivant que de remplir un volume, et qu’il s’embarrassait peu du reste. La vie de Jésus-Christ ressemble à celle d’un paladin du moyen-âge, et celle de sainte Catherine n’est qu’un conte souvent licencieux. « Qu’importe, disait-il, le mensonge que je mêle à ces œuvres ? dès que je parle de celles qui sont notre refuge céleste, mes paroles deviennent paroles d’évangile. »

C’est ainsi qu’il nous raconte en détail les promenades de la Vierge Marie, ses conversations avec son mari, la manière dont elle apprêtait le repas, et jusqu’aux pièces de son ajustement. « Je n’aurais pas fait six pages du tout, dit-il dans une de ses lettres, si je m’en étais tenu à la tradition et à l’histoire. Les épaules de mon invention ont tout supporté ; et je m’en fais gloire, car ces choses retournent à la plus grande gloire de Dieu. » C’est dans ces ouvrages sacrés, qui tous ont été traduits en français, et qui se sont répandus dans les couvens, que l’on voit quel abus il faisait de la tautologie. Il savait que les lettres font des mots, les mots des lignes, et les lignes des phrases. Nous ne citerons qu’un exemple de sa manière, elle est extraite de sa Vie de sainte Catherine et suffira pour dégoûter le lecteur de toutes les citations qu’il pourrait regretter :

« Comment louer, s’écrie-t-il, le facile, le religieux, le clair, le gracieux, le noble, l’ardent, le fidèle, le véridique, le suave, le bon, le salutaire, le saint et le sacré langage de la jeune Catherine, vierge sacrée, sainte, salutaire, bonne, suave, véridique, fidèle, ardente, noble, gracieuse, claire, religieuse et facile ? » Les écrivains de notre temps, si prodigues d’épithètes, n’ont jamais été si loin.

Landi, Doni, Dolce, Franco, marchèrent sur ses traces, et mirent à la mode ce pauvre style, feuillu de paroles, et stérile de fruits ; ce style qui couvre d’une riche végétation peu d’idées, peu de faits : « Bollore di fantasia, dit Corniani, accozamento d’interminabili parole, povertà di pensieri, estracchiatura di sentimenti. » De son vivant même, quelques-uns rivalisaient d’impudence avec l’Arétin. Doni disait tout bonnement : « Vivo di kirieleisen. « Je vis