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L’ARÉTIN.

Voyez l’Arétin.

L’autre gloire dont il n’aurait pas voulu quand on la lui aurait offerte, l’autre gloire est triste et pâle ; elle est pensive et regarde l’avenir ; elle médite ; son coup d’œil embrasse ce que la mémoire des hommes appelle éternité, quelques siècles tout au plus ; pendant la vie, elle ne donne à l’homme, choisi par elle, ni des trésors, ni de l’opulence ; mais ce rayonnement intérieur qui naît de la conscience de notre force ; mais ce bonheur intime qui naît d’une faculté de compréhension plus vaste ; et aussi cette tristesse profonde que fait éclore une connaissance plus nette des hommes, des choses, des intérêts et des douleurs de l’humanité. Quand on veut bien vivre en ce monde, il y a peu de chose à faire de cette triste gloire qui n’est qu’une aurore après le tombeau, qui vient illuminer un cadavre, et qui n’a su protéger, ni Molière contre les peines du cœur, ni Shakspeare contre l’obscurité de la vie, ni Cervantes contre la misère.

L’Arétin n’aurait pas donné une maille de cette dernière gloire. Il lui fallait du bruit, de l’argent, des amis, des ennemis, des honneurs, des médailles, des pensions, des coups de bâton, des éloges, des injures ; il en a eu.


L’Arétin, c’est le viveur par excellence ; il n’est pas si méchant qu’on l’a fait : il s’est fait méchant pour mieux vivre ; il a pris un masque ; il a grossi sa voix ; il a joué le monde ; il a spéculé sur la frivolité, sur son temps, sur la bêtise, sur la grandeur, sur la simplicité, sur l’estime, sur la gloire. Il s’est vautré sur toutes ces choses ; il a joué et gagné ; il a tout exploité au profit de ses sens. — « Toi, tu as peur, eh bien ! je te dirai des injures ; toi, tu es vain, je te magnifierai ; toi, tu aimes l’art, je suis artiste ; toi, tu respectes l’homme de lettres, voilà des phrases ! — À toi des fleurs, à toi de l’encens, à toi des phallus, à toi de la boue, à toi de l’ordure, à toi du venin, à toi des sermons, des oraisons, des sonnets, des prières, des chapelets, des benedicite, des lubricités ; à vous tous, tout ce qu’il vous plaira ! Payez-moi en argent, en or, en bijoux, en poisson frais, en bec-figues gras, en camées, en toques de velours, en toquets de soie, en manteaux de pourpre, en tableaux que j’aime, en statues (je suis amateur), en belles