Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 1.djvu/230

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
226
REVUE DES DEUX MONDES.

et puis, qui mettrons-nous à sa place ? » Ainsi, la chambre garde son président par un sentiment de commisération. Et c’est là pourtant la situation que s’est faite un homme qui ne manque ni de talent ni de verve oratoire ! D’où cela vient-il ? C’est de cette impuissance où a toujours été M. Dupin d’accepter la responsabilité d’une position nette. Quand le président de la chambre eut formé un ministère, il devait se placer franchement à la tête de l’administration ; quand la chambre lui eut donné une leçon en lui refusant le supplément si mesquin de 26,000 francs, M. Dupin devait se retirer de la présidence : il n’a fait ni l’un ni l’autre, et c’est ce qui a créé pour lui cette position douloureuse qui cave ses yeux et flétrit ses joues.

Il y a loin de là à la fortune que s’était promise M. Dupin. Dirons-nous un fait inconnu, et que pourtant nous pourrions affirmer : c’est que lui et M. Brougham s’étaient mutuellement flattés, dans un échange de confidence et de douce ambition, de prendre la direction des destinées de deux grands peuples. Qui ne connaît lord Brougham avec son esprit cassant, mordant et tracassier ? Maintenant mettez cet homme de haute judicature à la tête des affaires de la Grande-Bretagne ; puis revenez en France, et faites M. Dupin chef du cabinet : comme les deux grandes nations seraient bien gouvernées ! combien il y aurait de suite, d’ordre et de pensées constantes dans le gouvernement !

La chambre des députés a jeté sa petite obole à la chambre des pairs pour la construction de sa salle en bois ; les pairs accepteront en murmurant cette taquinerie de la majorité élective ; si la pairie avait un peu de dignité, si elle était noblement placée dans l’état, elle aurait bien des moyens de vengeance ; n’a-t-elle pas aussi à voter le budget des dépenses de la chambre des députés ? Elle pourrait surtout, ce qui serait plus grand encore, se refuser au procès par une mise en liberté générale des prévenus dans une poursuite tombée de mépris ; mais il n’en sera rien : la chambre des pairs n’est plus un pouvoir, c’est une machine à votes qui seconde tous les projets, même les plus funestes. Tout y est en dehors de sa sphère naturelle ; la nuance légitimiste fait de la liberté ; les pairs de la révolution de juillet, du despotisme.

Ce qu’il y a de plaisant, c’est qu’on ne sait plus que faire des trois cent mille francs votés par la chambre des députés ; M. Decazes, grand référendaire, répète à chacun « : Qu’on fasse ce qu’on voudra avec ce crédit, je ne m’en mêlerai pas le moins du monde. » M. Thiers, qui s’est engagé étourdiment, comme il le fait toujours, ne sait pas lui-même comment appliquer les trois cent mille francs, et s’ils serviront aux frais énormes de poursuites ou bien à la construction d’une salle.

Les élections d’Angleterre continuent dans des proportions qui ne sont