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HISTOIRE NATURELLE.

turalistes anciens. On verra que plusieurs des contes qui avaient cours au temps d’Aristote, se sont perpétués jusqu’au nôtre. Une histoire, au bout de vingt jours, est quelquefois devenue complètement méconnaissable ; un conte, un souvenir traverse sans altération un espace de vingt siècles.

Au temps d’Aristote, le peuple croyait, comme il le croit encore aujourd’hui dans quelques parties de l’Europe, que le coucou, chaque année, se métamorphose en une espèce d’épervier ; cette opinion bizarre se fondait sur une ressemblance de port et de plumage entre les deux oiseaux, et sur ce que l’un d’eux disparaissait à l’époque où l’autre commençait à se faire voir. Ces raisons ne semblaient rien moins que concluantes au grand naturaliste. Le port du coucou, disait-il, diffère beaucoup de celui de l’épervier et serait plutôt comparable à celui de la tourterelle. Il y a bien quelque ressemblance dans la couleur du plumage ; mais la disposition des taches est différente ; d’ailleurs le coucou n’a ni la tête, ni le bec, ni les ongles de l’oiseau de proie. S’ils paraissent se remplacer mutuellement, c’est que tous les deux sont des oiseaux de passage, qui choisissent une époque différente pour visiter notre pays ; d’ailleurs ils s’y rencontrent quelquefois en même temps, et, dans ce cas, on a vu des coucous dévorés par les éperviers. Quand il n’y aurait pas d’autres raisons, celle-là seule suffirait pour montrer qu’il n’existe entre eux aucune parenté, puisqu’aucun oiseau ne fait sa proie d’un autre oiseau de la même espèce.

Personne, poursuit Aristote, n’a vu de nichée de coucou, car cet oiseau ne prépare point de berceau pour sa progéniture, mais il va chercher le nid de quelque oiseau plus petit, mange une partie des œufs qui s’y trouvent et dépose le sien en place ; quelquefois, mais très rarement, il en met deux. Cependant les propriétaires du nid couvent l’œuf substitué, et quand le jeune coucou est éclos, ils prennent soin de le nourrir ; on dit même qu’à mesure que cet étranger grandit, ils rejettent, pour lui faire place, leurs propres petits qui périssent ainsi misérablement. Certaines gens vont plus loin, et assurent que la mère devient si fière de ce gros nourrisson, qu’elle prend de l’aversion pour tous les autres, et les tue pour lui en faire un repas. D’autres soutiennent que c’est