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qui préside à l’examen des plus graves questions dans votre chambre, et de remonter à l’ensemble des difficultés que soulève le traité avec les États-Unis ? Il est tels principes qui tiennent au droit naturel des nations ; Français ou étrangers, nous sommes tous aptes à les examiner dans leurs fondemens, à les saisir à leur origine, à les suivre dans leurs différentes phases ; le code des nations est universel.

Deux principes différens ont toujours été soutenus par l’Angleterre et la France, à l’égard des neutres, quand, belligérantes, elles se trouvèrent en face l’une de l’autre. Le principe posé par la France est celui-ci : « Le pavillon couvre la marchandise, c’est-à-dire quand un neutre arbore son pavillon sur un navire, quelles que soient les marchandises à bord, il n’est permis à aucune des parties belligérantes de visiter les marchandises que recouvre ce pavillon ; le navire neutre est ainsi un territoire protégé par sa propre souveraineté[1]. »

Le principe soutenu par l’Angleterre est au contraire celui-ci : « La neutralité doit être respectée, mais il est permis aux belligérans de visiter les neutres pour connaître les marchandises que couvre le pavillon, et s’il n’y a pas objet de contrebande à bord[2]. »

Il faut laisser aux faiseurs de pamphlets officiels le soin d’admirer la grandeur du principe posé par la France, et de déclamer contre l’égoïsme de l’Angleterre ; j’abandonne à l’école impériale toutes les épithètes d’infâme et d’atroce appliquées à la Grande-Bretagne. La France et l’Angleterre posaient des maximes différentes sans doute ; ce n’était pas grandeur d’âme chez l’une, ni infamie chez l’autre ; elles avaient toutes deux au fond leur intérêt ; ce n’était point un esprit de chevalerie qui armait la France pour soutenir le droit des neutres. Puissance essentiellement continentale, elle avait tout à gagner pour son commerce en main-

  1. Ce principe a été proclamé dans les traités suivans : traité du 21 juin 1783, entre la Russie et la Porte, art. 43 ; du 10 septembre 1785, entre la Prusse et les États-Unis ; du 10 novembre 1785, entre la France et la Hollande ; du 11 janvier 1787, entre la France et la Russie ; l’art. 31 porte que « les bâtimens neutres escortés par des vaisseaux de guerre ne peuvent être soumis à la visite ; que la déclaration du commandant de l’escorte doit suffire ; » — du 17 janvier 1787, entre la Russie et Naples ; du 20 décembre 1787, entre la Russie et le Portugal ; du 17 mars 1789, entre la France et la ville de Hambourg ; du 6 mai 1789, déclaration de la Russie concernant le commerce neutre dans la Baltique ; du 30 juillet 1789, traité de commerce entre le Danemark et Gênes.

    (Recueil des Traités, par Martens, tom. ii, iii et v.)

  2. Manifeste de la cour de Londres, du 20 décembre 1780.