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FRAGMENT POLITIQUE.

canaille ? ses mains dures et calleuses nous ont fatigué le poignet.

Aura-t-on du moins plus respecté la liberté personnelle ? Jamais à aucune époque tant d’odieuses illégalités, de violations de domicile, de brutalités de police, de vexations, de préventions, de hideuses vengeances exercées par la plus implacable de toutes les haines, celle qui a sa racine dans la lâcheté. On s’est fait gloire d’être impitoyable. La France, pleine d’horreur pour cette politique de bourreau, a demandé une amnistie. Qui l’a repoussée ? Oui, quoi qu’en ait dit un ministre, il y a des proscrits parmi nous. Lorsque des Français sont par centaines arrachés à leurs familles, à leur état, à leur travail, entassés dans des prisons meurtrières pendant des mois, et des mois encore livrés au supplice du secret, aux tortures de la geôle, et qu’après ces longs mois de souffrance, on vient froidement leur dire : Nous y avons regardé de plus près, il n’y a pas lieu de vous accuser ; et que là-dessus, ruinés dans leur industrie, ruinés dans leur santé, ils s’acheminent vers leur pauvre demeure, et n’y retrouvent ni leur lit qu’il a fallu vendre, ni leur femme que la misère et l’angoisse ont tuée, ni leurs enfans qui ont suivi leurs mères. Ceux-là, ceux-là, M. le ministre, ne sont point des prévenus, mais des proscrits, et sans la cour de cassation, qu’eussent été les citoyens qu’un gouvernement, violateur de la Charte, livrait à des conseils de guerre ? Que sont, à présent même, les hommes qu’ont frappés des juridictions exceptionnelles ? Il s’est rencontré des corps qui, se croyant offensés, se sont constitués à la fois accusateurs et juges. Merveilleuse justice !

Voilà pour l’intérieur. Quel a été au dehors le système politique de la monarchie héréditaire ? Obtenir d’être admise, malgré son origine, parmi les légitimités européennes ; éteindre les sympathies des seuls alliés qu’eût la France libre ; se faire sergent de ville et mouchard pour veiller, sous les ordres de la Sainte-Alliance, au salut de l’absolutisme ; humilier aux pieds des rois qui tremblaient devant elle, la nation que toutes les autres appellent grande ; trafiquer de son honneur et de ses intérêts, sacrifiés sans hésitation à l’intérêt dynastique ; préparer, en affaiblissant le ressort de sa puissance morale, le succès d’une troisième invasion peut-être, et tout cela, parce qu’il fallait affermir la monar-