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affaissement d’esprit et de corps, ce front chargé de soucis et d’ennuis ? Louis-Philippe n’a plus la même confiance en lui-même ; les résultats ne sont plus en harmonie avec ses efforts ; il a calmé l’intérieur, mais l’étranger l’effraie. On chante, on danse sous les grands lustres, et souvent on voit le roi tristement préoccupé dans un coin de salon, dissertant avec un ambassadeur. En général, le roi se retire de bonne heure ; si la reine prolonge ses nuits de bal jusqu’à trois heures du matin, Louis-Philippe est presque toujours dans son appartement dès onze heures, il ne paraît aux salons que pour exercer une certaine action politique par ses prévenances et ses politesses affectueuses.

Au reste, cette royauté pleine de soucis va bientôt se consoler dans le sein d’un ami sincère ; le général Sébastiani arrive. Tandis qu’on le croyait à Naples sous un ciel chaud, roulant sur les dalles de la rue de Tolède, le général voyage à la manière de Napoléon dans ses journées gigantesques. Que ne peut le dévouement ? Le général est très maladif ; il a été saigné quatre fois dans le mois de décembre, et la Salamandre a été obligée de le débarquer à Antibes, tant M. Sébastiani était accablé de ses fatigues de mer et des secousses répétées du voyage ! D’Antibes, le général s’est mis en route pour Paris, mais il paraît qu’il a éprouvé plusieurs crises violentes, car on n’avait pas encore de ses lettres au château, le roi lui-même en paraissait inquiet à la fête des Tuileries.

Le général Sébastiani, c’est l’ami de la maison, l’homme des confidences de l’avènement ; le roi ne l’appelle jamais que son cher Sébastiani ; le mariage qu’a contracté l’ambassadeur dans son passage en Italie, avait altéré un peu son crédit. Il est devenu proche parent de M. de Polignac ; il vit en quelque sorte dans le monde carliste ; mais M. de Tallayrand a dit à ce sujet un mot charmant : « Vous reprochez à Sébastiani d’être parent de M. de Polignac, est-ce que le roi Louis-Philippe n’est pas cousin de Charles x ? »

Quels sont les desseins de Louis-Philippe sur M. Sébastiani ? En supposant que sa santé soit assez forte pour subir un nouveau voyage, l’ambassadeur de Naples ira-t-il à Londres ? Nous ne le pensons pas. Il serait très piquant, sans doute, de voir deux Corses, M. Pozzo et M. Sébastiani, ennemis de position et de souvenir, aller représenter les deux grandes puissances en Angleterre. Mais quel rôle jouerait là M. Sébastiani au milieu d’un corps diplomatique qui le connaît à peine, et qui l’admettrait difficilement dans sa communauté de sentimens et d’intérêts ? Nous avons plusieurs fois dit les raisons qui empêchaient M. Sébastiani de prendre jamais une bonne position vis-à-vis des tories, même vis-à-vis de l’aristocratie whig. Nous croyons que d’autres destinées politiques lui sont ré-