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POÉSIES POPULAIRES DE LA BRETAGNE.

novations. Presque tous ont suivi la marche accoutumée, et l’espèce de poétique établie par leurs prédécesseurs.

Or, rien de plus simple que cette poétique. Toutes ses règles peuvent se réduire à une seule : mettre les faits en action et en passer le moins possible. Du reste, ni unité de lieu, ni unité de temps. D’une scène à l’autre, vous passez du Poitou en Turquie, de Paris dans l’Asie mineure, et le drame contient parfois l’histoire de trois générations. L’unité d’intérêt, au contraire, est toujours scrupuleusement respectée. On peut même dire que l’observation de cette règle est portée jusqu’à l’exagération dans les drames bretons. Tous les personnages se groupent confusément et sans valeur individuelle, autour d’une figure unique plutôt que principale. Du reste, tout cela se comprend. L’unité d’intérêt est une révélation d’instinct, bien plus qu’une doctrine aristotélique. Nulle part elle n’a dû être plus scrupuleusement révérée que dans les littératures naissantes et chez les peuples primitifs. Là en effet elle dut être une nécessité, et pour le poète encore trop inhabile pour suivre à la fois plusieurs pensées, et pour la foule trop peu intelligente pour partager en même temps son attention sur plusieurs personnages. Ce n’est que plus tard, lorsque l’art s’est assoupli par l’usage, lorsque le peuple, plus prompt d’intelligence, s’est fait devineur et blasé, qu’il a fallu orner cette nudité grossière, encadrer l’égoïste et fatigante personnalité du drame, la déguiser sous les accessoires brillans, et reposer du héros par l’intérêt jeté sur ceux qui l’entourent. L’unité est alors devenue la prééminence d’une seule pensée sur les autres, et non l’anéantissement de toutes au profit d’une seule. L’art a été le groupe harmonieux de Laocoon, au lieu de la solitaire et monotone statue de Memnon.

On devine d’avance qu’aucun artifice ne préside à la distribution des scènes dans les drames dont nous nous occupons : ce sont des chapitres, qui se suivent pour la pensée, presque jamais pour l’action. On voit Pharaon sortir d’un côté du théâtre en ordonnant de poursuivre les Hébreux, pendant que Moïse entre de l’autre côté avec son peuple et s’écrie : — « Voilà la Mer Rouge, ô mes fils ! qui nous donnera des ailes pour passer au-delà ? » — Comme dans Homère, il arrive souvent qu’un inférieur reçoit un ordre, écoute un discours, puis le répète vers par vers un peu plus loin. Au total, les tragédies bretonnes ne sont autre chose que des légendes dialoguées.

Chaque acte commence, à la manière des anciens, par un prologue, dans lequel un acteur vient solliciter la bienveillance du public et raconter ce que va contenir l’acte qui suit. Ce prologue, mêlé d’élans d’enthousiasme et de passages railleurs, a cela de bizarre que l’auteur semble parfois y parodier ses propres conceptions. — « Vous verrez, dit l’acteur