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sur sa poitrine la cuirasse du chevalier errant, et chercher des armées à vaincre et des châtelaines à aimer. — Heureuses chimères, dont on se souvient plus tard avec un sourire mélancolique, comme des contes de fées que l’on écoutait les deux coudes appuyés sur les genoux de sa nourrice.

L’auteur de Guillaume a suivi la voie accoutumée ; après les amours romanesques viennent les guerres fabuleuses. Un roi de Turquie se présente, comme tous les rois des drames bretons, en déclarant qu’il est le prince le plus puissant de la terre. Il a vaincu les rois d’Espagne, d’Hybernie, d’Allemagne, d’Angleterre, de Candie et de Normandie. En conséquence, il fait annoncer à son peuple, à son de trompe, qu’il peut vivre en paix et en joie. Mais bientôt il est tiré de son glorieux repos par un cartel que lui envoie le comte de Poitou. Celui-ci, en apprenant d’un de ses amis qu’il y avait en Turquie un prince qui n’avait pu encore trouver son maître, a pris la résolution de le défier. Le sultan, furieux, déclare que dans sept jours il sera en Poitou. Le courrier, de retour, annonce cette nouvelle à Guillaume, en lui disant qu’il a vu les Turcs, que ce sont des hommes bien laids et bien farouches, et qu’il fera bien de se tenir sur ses gardes. Le comte fait en effet ses préparatifs, et lorsque le roi de Turquie paraît devant son château et l’assiége à coups de canon, Guillaume fait une sortie et disperse l’armée ennemie. Le sultan reparaît, vaincu, désespéré, couvert de blessures, annonçant que de deux ans au moins il ne pourra recommencer la guerre. Ici finit le second acte.

Dans l’acte suivant, Guillaume, à peine délivré d’un ennemi, se trouve obligé de faire face à un autre. Il apprend qu’on a élu à Rome un nouveau pape, et que le pape l’a excommunié, lui, comte de Poitou, qui n’avait jamais rien fait pour désobliger sa sainteté. Fort mécontent, il annonce qu’il va lever une grande armée pour marcher sur Rome, et changer le pape. Un héraut envoyé par lui se met donc à parcourir le pays, criant à qui veut l’entendre, qu’un seigneur de haut lignage et de belle figure invite tous ceux qui aiment la guerre à venir s’enrôler sous ses drapeaux. — « C’est un homme, ajoute le crieur, qui a de l’or, du vin, et qui fait bonne chère ; ceux qui le suivront seront bien traités, vivront en joie et à volonté. C’est un plaisir de servir mon seigneur. »

Cette annonce semi-burlesque donne lieu à deux scènes comiques assez bien faites.

Dans la première, on voit Allan Caro, paysan franc-tenancier qui sort de chez lui en chantant


Voilà le matin et je vais aux champs.