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POÉSIES POPULAIRES DE LA BRETAGNE.

casque.) Je suis Richard, votre plus mortel ennemi. Ripus est resté à Montfaucon à ma place, et je suis venu ici exprès pour vous le dire.

Charlemagne s’écrie et appelle ses chevaliers ; à l’instant Richard sonne du cor. Renaud paraît avec Mogis, ils livrent un grand combat, et les quatre fils d’Aymon se retirent, après avoir tué grand nombre de soldats du roi. Mais Mogis, qui est resté en arrière, est fait prisonnier. L’empereur veut le tuer sur-le-champ, et il ne consent qu’avec peine à retarder son supplice jusqu’au lendemain ; encore exige-t-il de lui la promesse qu’il ne cherchera pas à s’échapper. — Je ne partirai pas sans vous dire adieu, répond Mogis. — Le roi le fait enchaîner aux pieds de son lit, puis il se couche. Dès qu’il a fermé les yeux, Mogis jette sur lui un enchantement, ainsi que sur la cour. Tous s’endorment d’un profond sommeil. Alors Mogis appelle l’enfer à son secours, ses chaînes tombent à ses pieds, et il se lève en se secouant et en étendant les bras.

MOGIS.

Oh ! oh ! me voilà gaillard ! Il faut que je joue un tour à Charles et à ses pairs. Quant à emporter, autant vaut-il que ce soit beaucoup que peu. Je n’en serai pas moins, dans tous les cas, un voleur. Puisque j’y suis, j’y suis. Roi, princes et barons, aucun n’y échappera.

(Il prend la couronne, le sceptre du roi, et les épées des douze pairs de France.)

Maintenant me voilà bien fourni en épées. Allons, courage, Mogis ; tu allais être pendu… et je te couronne !

(Il pose la couronne de Charlemagne sur sa tête.)
(Il approche ensuite du roi et le heurte du pied.)

Je m’en vais, Charlot, roi de France ; mais n’allez pas prétexter cause d’ignorance, et dire que je n’ai pas pris congé de vous. Votre serviteur, bonjour, Charlottic, et dormez à votre aise. Je crois que tantôt, quand vous vous réveillerez, vous serez un peu étonné.

Cependant Charlemagne se réveille, et, désespéré, il envoie des messagers à Renaud, lui proposant la paix, s’il veut livrer Mogis et lui rendre sa couronne. Renaud se refuse à sa première demande, et lui accorde la seconde ; il se présente ensuite au camp de l’empereur pour tâcher de l’apaiser, et propose enfin de combattre contre tel adversaire qu’on voudra lui opposer. Roland accepte le défi. Les deux chevaliers joutent long-temps avec des chances égales, mais un orage et une nuit subite les séparent. Alors Mogis, au moyen de son art magique, pénètre la nuit dans la tente du roi, l’enlève tout endormi et le transporte à Montauban. Les frères de Renaud veulent tuer l’empereur, mais Renaud se jette à ses pieds.