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chienne ; le moindre mouvement qui la pousserait en avant ou l’entraînerait en arrière, troublerait cet immuable repos qu’elle veut avant tout. M. de Bulow est pénétré du même esprit. Le cabinet de Berlin est plus avancé encore dans le progrès et la civilisation ; le prince royal peut bien rêver quelques plans de campagne militaire, mais la Prusse ne réglera pas sa politique sur ses rêves ; elle a trop de sagacité. Avec la part de territoire si difficile à garder que lui ont faite les traités de 1814, elle ne voudrait pas hasarder le certain pour l’incertain ; au premier échec, cette longue pointe qu’elle a usurpée sur notre propre territoire, échapperait à sa monarchie. Ainsi le prince Esterhazy, non plus que de M. Bulow, ne se rendent à Londres avec des idées hostiles à la politique stationnaire, que l’Europe paraît aimer de toute sa prédilection. Resterait donc M. Pozzo di Borgo ; mais ce n’est pas à son âge qu’on se jette à plaisir dans un mouvement belliqueux ; il remplacera simplement le prince de Lieven ou plutôt Mme de Lieven, qui était, comme on le sait, sous le nom de son mari, le véritable ambassadeur russe à Londres. Il fallait là un homme qui ne connût pas moins bien qu’elle les chefs du parti tory.

Le corps diplomatique devra être au complet le 15 février, et c’est alors que commenceront les conférences. Aussi le roi Louis-Philippe se hâte-t-il d’expédier M. Sébastiani ; on a promené partout le diplomate maladif, afin de constater le rétablissement de sa santé ; il a paradé en homme plein de vie et d’intelligence dans les bals, dans les concerts, aux deux chambres. La volonté royale désire que son ambassadeur se porte bien, et cela suffit à un courtisan pour cacher son visage dans son cœur, pour me servir de l’expression de Tacite. M. Sébastiani est maintenant tout fier de ses alliances ; proche parent de MM. de Grammont, de Guiche et de Polignac, il se fait à présent l’intermédiaire des réconciliations entre la branche cadette et les nobles déserteurs de la branche aînée. Il a mené ces jours derniers aux Tuileries M. de Gabriac, son gendre par alliance, qui boudait le château depuis la révolution de juillet. M. de Gabriac n’en a pas été plus mal reçu pour avoir tant tardé à se rallier. « Nous avons grand plaisir à vous voir, monsieur de Gabriac, lui a dit le roi ; avertissez-en bien vos amis, les derniers venus sont encore les premiers. »

M. de Gabriac, le ci-devant ministre de la restauration au Brésil, sera, assure-t-on, récompensé de sa soumission par l’ambassade de Turin. « M. de Gabriac ambassadeur près du roi de Sardaigne ! mais c’est de la diplomatie homœopathique ! a-t-on dit à ce propos aux affaires étrangères. » Le mot est bien spirituel pourtant, pour être venu de là.

Quoi qu’il en soit, le général peut aller de pair avec toute la noblesse hongroise, anglaise et allemande ; le roi l’a réuni avec le prince Ester-