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la réflexion les plus profonds mystères de la nature, et sa pensée était plus rapide que l’éclair.

Ce que voyant, les Esprits jaloux se disaient entre eux : Dieu a fait pour celui-ci plus que pour nous tous. Le plus petit insecte, il est vrai, s’élève plus haut que lui dans l’air qu’il respire ; mais le plus puissant des Archanges ne saurait monter aussi hardiment et aussi vite dans l’éther de l’immensité que l’esprit de l’homme par sa volonté.

Et Dieu, se complaisant dans son ouvrage, créa beaucoup d’autres hommes semblables au premier, et en couvrit la face de la terre, en leur disant : La terre est à vous, cultivez-la, et vivez de ses fruits. Gouvernez les animaux ; les espèces ne périront plus, la terre ne sera plus ravagée, les plantes et les animaux se reproduiront toujours, et vous, vous ne mourrez point.

Les hommes vivaient ensemble, et ils étaient heureux ; ils ne connaissaient pas le mal, et ils étaient purs, sans avoir la vanité de savoir qu’ils l’étaient, car ils l’étaient tous également, et ils ne s’imaginaient point que la source de leur grandeur fut en eux-mêmes. Ils adoraient le Seigneur, et se servaient de ses dons avec frugalité. Ils respectaient la vie des animaux, et n’employaient leur dépouille à leur usage que lorsque les animaux mouraient selon les lois de la nature. Ils considéraient les bêtes comme des productions choisies de la matière, qui, étant douées de sensibilité et d’une sorte de volonté, avaient des droits sacrés à leur protection. Les bêtes ne s’enfuyaient pas à leur approche, et comme le chien obéit encore aujourd’hui à son maître, et comprend ses ordres, le lion, le castor et tous les autres animaux comprenaient le geste, le regard et l’autorité de l’homme ; ils l’aidaient à bâtir des maisons, des temples, à exécuter des migrations sur les continens, à cultiver la terre, à travailler les métaux et à les façonner, non en vile monnaie ou en armes cruelles, mais en instrumens de travail, et en ornemens pour les temples.

Or, tout était commun parmi les hommes, le travail et les fruits de la terre. Ils se regardaient tous comme vivant sous la volonté de Dieu, chargés de veiller à l’équilibre de cette nature dont ils étaient rois ; ils s’occupaient sans cesse à réparer les ravages des précédens cataclysmes, à dessécher les marais fétides qui