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CHANTS DE L’ITALIE.

les côtes de Salerne et de Sorrente, les îles qui les avoisinent, et tout le pays qui s’étend depuis Terracine, par Bénévent et les montagnes d’Apulie, jusqu’aux côtes de la mer Adriatique.

Dans presque toutes ces contrées, le peuple est resté à l’abri de l’influence étrangère, et l’éducation théâtrale, dont l’effet est si pernicieux pour la musique et la poésie populaires, n’y a exercé que peu d’empire. Une salle d’opéra s’était établie à Sorrente, et dans ce pays si abondamment pourvu de chants du peuple, je cherchai long-temps avant d’en pouvoir rencontrer, parce que, là où viennent s’ouvrir les portes d’un théâtre, le naturel est aussitôt sacrifié à ce qui est de convention ; la musique populaire se tait devant la musique savante.

Dans ces parties de l’Italie que l’étranger ne visite qu’en passant et comme observateur, le peuple n’est point atteint par cette influence que nous avons signalée. C’est avec un orgueilleux sentiment de sa supériorité, que l’Italien voit des habitans de tous les pays du monde aborder sur ses côtes, rester saisis d’admiration devant la beauté du sol qui le nourrit, du ciel qui le couvre, se perdre en contemplation au milieu d’une foule d’objets d’art, de temples antiques et d’églises modernes, de palais, de galeries, de statues et de ruines. Oh ! qu’alors est loin de sa pensée le désir de visiter d’autres pays que le sien ! Comme tout le reste du monde doit lui apparaître désert et vide de sensations, à lui qui voit tant d’étrangers franchir les monts, traverser les mers pour venir saluer sa terre natale ! Aussi est-il plein de mépris pour toutes les autres contrées, que son ignorance géographique semble placer à un égal éloignement au-delà des monts, au-delà des mers, car il les désigne toutes sous un même nom générique, en les appelant ultramontaines ou ultramarines. Tout ce qu’il entend conter du dehors lui paraît une fable, fait à peine impression sur son esprit, et ne parvient jamais à le tirer de la sphère dans laquelle il a vécu jusqu’alors. Le sentiment de la curiosité ne saurait jamais être aussi puissant chez l’heureux habitant d’un pays fertile que chez l’enfant du Nord, souvent nomade par nécessité, et qui va chercher au loin ce que lui refuse sa terre natale. Goëthe a dit : « Offrez au lazzarone un royaume du Nord ; il ne voudra pas abandonner en