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office de madone, devant une petite chapelle ; le rosaire précédait le chant comme à Rome ; seulement le chant des insulaires ne ressemblait à celui des Romains, ni sous le rapport de la mélodie, ni sous celui du rhythme ; c’était plutôt une psalmodie accompagnée de ces modulations étranges qui mettent tant de différence entre les mélodies du nord et celles du midi de l’Italie, et dont il faut chercher l’origine, tantôt chez les Grecs, comme pour le chant grégorien, tantôt chez les Maures et les Sarrasins.

Lorsque je débarquai dans l’île de Procida, des femmes qui, par leur costume, semblaient appartenir à une colonie grecque, filaient, assises sur deux parapets conduisant à une petite chapelle ; et tout en faisant tourner leurs fuseaux, elles chantaient le rosaire en langue latine, reprenant alternativement, les unes, la salutation angélique Ave Maria, les autres, la prière Sancta Maria, mater Dei. Il y avait dans la mélodie, ainsi que dans l’exécution musicale, beaucoup de ressemblance avec la manière dont on psalmodie les versets des psaumes dans les chapitres et les couvens. Dans l’Apulie, le rosaire se chante de la même manière en latin et avec le même genre de psalmodie.

Une époque de l’année vraiment solennelle en Italie est l’Avent : là, comme dans tous les pays catholiques, des coutumes populaires toutes spéciales annoncent un temps si respecté des fidèles. À Rome, ce point central du monde chrétien, arrivent, dès les premiers jours de l’Avent, des pasteurs des Abruzzes et de la Calabre, jouant de la cornemuse ou du chalumeau, chantant l’enfant de Bethléem, et annonçant l’arrivée du Christ. Ils marchent ordinairement deux à deux, leur chapeau pointu penché sur une oreille, les épaules couvertes d’un manteau brun qui descend jusqu’aux genoux, les hanches entourées d’une peau de mouton, et pour compléter la physionomie originale et antique de leur costume, des sandales aux pieds et des bandelettes qu’ils tournent autour de la jambe de manière à en faire valoir toute la beauté.

Cette arrivée des pasteurs est pour les Romains d’un heureux augure ; c’est le signal d’une série de fêtes, le présage d’un temps de grâces pour l’âme, de jouissances et de récréations pour le corps. Aussi les pasteurs, que l’on désigne sous le nom de pifferari, sont-ils invités avec empressement à jouer et à chanter devant les