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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 1.djvu/514

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REVUE DES DEUX MONDES.

chansons de brigands. Les chansons de mendians, au contraire, sont plus communes dans le nord.

Pendant la chaleur du jour, tous les habitans se tiennent enfermés dans leurs maisons ; mais à peine la nuit est-elle venue tempérer par quelque fraîcheur l’atmosphère embrasée, que de tous côtés l’amour et la mélancolie s’exhalent dans des chants qu’accompagne la guitare ou la mandoline ; et souvent il s’est écoulé plus de la moitié de la nuit avant que le silence succède à ces concerts nombreux et simultanés. Il en est ainsi dans toutes les villes, dans tous les villages de l’Italie ; car c’est toujours publiquement et à haute voix que se manifeste le contentement intérieur ; le peuple en général ne croirait pas à son propre bonheur, s’il n’en faisait retentir d’une manière expressive les rues de ses villes et les vallées de ses campagnes. De là, dans toutes les rues des villes d’Italie, ce mélange de clameurs, de sifflets et de chants ; pendant les nuits, pas une voix n’y garde le silence. À Rome surtout, cette vieille métropole du monde, qui, pendant le jour, ressemble à un désert, le peuple se promène dans les rues, chantant, jusque bien avant dans la nuit, des chansons où il décrit les jouissances de la vie, les charmes et les tourmens de l’amour.

J’ai souvent, dans de belles nuits d’été, suivi les chanteurs allemands au Colosseo, tant pour voir ce monument gigantesque éclairé par la lumière si pittoresque de la lune, que pour entendre retentir dans ces chants les sons harmonieux de ma langue maternelle. Entre les arcs de triomphe, auprès des temples de la Paix, de Romulus et de Remus, chantaient mille voix du peuple, qui toutes se taisaient lorsque les Allemands descendaient du Capitole pour traverser le Forum, et faisaient entendre leurs chants et leurs chœurs si cadencés, et rhythmés d’une manière si précise ; mais à peine ceux-ci avaient-ils cessé, que, de tous côtés, recommençaient les chansons du peuple, belles sans art, justes sans règles, puisées dans la nature. Les Allemands, suivis d’une foule de jeunes gens, étaient ainsi accompagnés jusqu’au Colosseo. Là, sous les voûtes ruinées de ce monument colossal de la force et de la grandeur romaines, s’engageait la lutte entre la nature et l’art. Après ce chant, exécuté par les artistes allemands : « Salut, belle Italie, pays de merveilles, etc.,» des Anglais, placés à l’extrémité opposée, com-