elle ne se meurt pas ; c’est sa réputation qui est morte, monsieur, et c’est vous qui l’avez tuée !
— Mademoiselle ! dit André vivement, que voulez-vous dire ? Est-ce une méchante plaisanterie ?
— Non, monsieur, répondit Henriette en prenant son air majestueux. Je ne plaisante pas. Vous faites la cour à Geneviève, et elle vous écoute. Ne dites pas non ; tout le monde le sait, et Geneviève en est convenue avec moi aujourd’hui.
André confondu garda le silence.
— Eh bien ! reprit Henriette avec chaleur, croyez-vous ne pas faire tort à une fille en venant tous les jours chez elle, en lui donnant des rendez-vous dans les prés ? Vous droguez jour et nuit autour de sa maison, soit pour entrer, soit pour vous donner l’air d’être reçu à toutes les heures.
— Qui a dit cette impertinence ? s’écria André ; qui a inventé cette fausseté ?
— C’est moi qui ai dit cette impertinence, répondit Henriette intrépidement, et je n’invente aucune fausseté. Je vous ai vu vingt fois traverser le jardin d’en face, et je sais que tous les jours vous passez deux ou trois heures dans la chambre de Geneviève.
— Eh bien ! que vous importe ? s’écria André, chez qui la timidité était souvent vaincue par une humeur irritable. De quel droit vous mêlez-vous de ce qui se passe entre Geneviève et moi ? Êtes-vous la mère ou la tutrice de l’un de nous ?
— Non, dit Henriette en élevant la voix, mais je suis l’amie de Geneviève, et je vous parle en son nom.
— En son nom ! dit André effrayé de l’emportement qu’il venait de montrer.
— Et au nom de son honneur qui est perdu, je vous le dis.
— Et vous avez tort d’oser le dire, répartit André en colère, car c’est un mensonge infâme.
Henriette, en colère à son tour, frappa du pied.
— Comment ! s’écria-t-elle, vous avez le front de dire que vous ne lui faites pas la cour, quand cette pauvre enfant est diffamée et montrée au doigt dans toute la ville, quand les demoiselles de la première société refusent de dîner sur l’herbe avec elle, et lui tournent le dos dès qu’elle ouvre la bouche ; quand tous les garçons