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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/177

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DE L’ÉCOLE FRANÇAISE.

voyons surgir les portraits de Mme de Mirbel, produit d’un talent toujours plus pur et plus brillant, et qui se classe à part par sa direction vraie et sérieuse.

Mais avant d’en venir à l’examen détaillé de ces ouvrages qui dominent l’exposition, il est bon de jeter un coup d’œil sur la direction actuelle de la peinture en France, d’indiquer ses rapports et ses dissemblances avec le passé, et de lui montrer, s’il est possible, son avenir. La critique n’a plus le droit d’aborder un tel examen d’une façon spéculative, depuis que de force on l’a intéressée dans la question ; car la critique partage avec le salon annuel la responsabilité de tout ce qui se fait de mal aujourd’hui dans les arts. Au dire de bien des gens, la critique a détruit l’autorité des écoles et brisé l’indépendance des arts ; c’est en faisant trop d’attention à des conseils dirigés dans des vues toutes littéraires que les peintres se sont embarrassé l’esprit d’une foule de pensées nuisibles au but de leur art. La critique n’a point respecté les vieilles gloires, elle en a créé de nouvelles à bon marché ; elle a fait un pêle-mêle d’idées et de systèmes, dans lequel les jeunes têtes ont perdu de vue leur chemin. Ce n’est ni de la mauvaise foi, ni même de l’ignorance, qu’on reproche à la critique : on lui en veut de sa prétendue puissance seulement ; on trouve mauvais qu’elle puisse quelque chose.

Quand il s’agit de distribuer les reproches entre les parties intéressées, on ne peut rejeter tout le fardeau sur l’épaule de son voisin ; il faut se reconnaître coupable d’une portion du péché, il faut se croire une grande puissance, et s’en défier en même temps. Toutefois, nous n’avons le droit de nous trouver ni si forts, ni si coupables. Le mouvement actuel des arts s’accomplit sous une impulsion qui atteint le monde entier de l’intelligence. La foi ne préside plus à l’invention ; tout aujourd’hui ressort de l’examen, et le propre de l’examen est de créer la discorde. Nous avons connu un temps où l’on pouvait encore jurer sur la parole du maître : David régnait en despote sur les arts, il faisait voir à tous exactement comme il voyait lui-même. Peu importait alors que l’accaparement des conquêtes eût entassé dans le Louvre mille chefs-d’œuvre divers ; tous les artistes envisageaient ces chefs-d’œuvre