Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/236

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
230
REVUE DES DEUX MONDES.

Tâtez-moi le pouls, lui ai-je dit, apprenez-moi quel est mon mal ;
Et le médecin a secoué mon bras avec force ;
Je lui ai dit : Prenez ma main plus doucement, si vous êtes un bon médecin.

RÉPONSE DE LA FEMME.

Si j’étais médecin, je me serais déjà guérie moi-même.
Ô belle nuit, belle nuit ! la lune brillait dans le ciel.
Je vis mon ami ; son front resplendissait des rayons de la lune,
Mes yeux, mes yeux, quelle belle chose vous vîtes alors !
Vous contemplâtes le visage de celui que j’aime.
Ô ma rose, ma rose ! je serai votre jardinière,
Je défendrai au vent de souffler sur vous, au soleil de vous brûler.


Voici la seconde chanson, expression mélancolique des désirs d’une jeune femme arabe :


Mon bien-aimé, je vous le rappelle, je vous le rappelle ;
Ne manquez pas de m’envoyer un esclave pour m’annoncer l’heure du rendez-vous.
Ô beau rosier ! vos rameaux se sont desséchés, et j’ai perdu ma joie ;
Je voudrais ne vous avoir jamais connu ;
Je voudrais ne vous avoir jamais fait goûter le miel du bonheur.
Rose chérie, je désire respirer ton parfum, parce que tu es aimée de toutes les femmes, et qu’elles te choisissent pour parer leur tête.
Ô mon ami, mon ami ! je vous aimais déjà, quand vous étiez encore dans le sein de votre mère.


Je ne chercherai point à faire ressortir le mérite poétique de ces chants d’amour simples, naturels et naïfs ; dans la bouche d’Eudoxie, ils étaient divins.

Eudoxie et Dimitri étaient quelquefois appelés aux soirées arabes de Lattaquié ; ils apportaient, moyennant une pincée de paras, leur contingent d’harmonie et de gaieté. On pense bien que ce n’est point Eudoxie qui remplissait le rôle jovial ; cela regardait Dimitri, l’homme aux mots plaisans, à la philosophie rieuse, esprit sans souci, sans préoccupation grave, candide vieillard, qui traitait la vie comme une affaire qui n’eût pas été la sienne ; Diogène bon-