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ANDRÉ.

— Par amitié seulement, répondit Geneviève en se laissant embrasser.

André fut si troublé de ce baiser, qu’il comprit à peine ensuite comment il était sorti de la chambre. Il se trouva dans la rue avec Henriette sans savoir ce qu’était devenu l’escalier. Cependant, lorsqu’il se rappela plus tard cet instant d’enivrement, il s’y mêla un souvenir pénible. Geneviève avait un peu rougi, par pudeur ; mais son regard était resté serein, sa main fraîche, et son cœur n’avait pas tressailli. C’est ma Galatée, se disait-il, mais elle ne s’est animée que pour regarder les cieux. Descendra-t-elle de son piédestal, et voudra-t-elle poser ses pieds sur la terre auprès de moi ?

Cependant l’espérance, qui ne manque jamais à la jeunesse, le consola bientôt. Geneviève, avec un si noble esprit, ne pouvait pas avoir un cœur insensible ; cette tranquillité d’ame tenait à la chasteté exquise de ses pensées, à ses habitudes solitaires et recueillies. Il avait déjà vu se réaliser un de ses plus beaux rêves : il était le conseil et la lumière de cette sainte ignorance ; maintenant un vœu plus enivrant lui restait à accomplir, c’était de se placer entre elle et la divinité universelle qu’il lui avait fait connaître. Il fallait cesser d’être le prêtre et devenir le dieu lui-même. L’enthousiasme d’André, les palpitations de son cœur allaient au-devant d’un pareil triomphe, et son ame, avide d’émotions tendres, ne pouvait pas croire à l’inertie d’une autre ame.

De son côté, Geneviève ressentait un peu d’effroi. Les paroles d’André, ses caresses timides, son accent passionné, lui avaient causé une sorte de trouble ; et quoiqu’elle désirât presque éprouver les mêmes émotions, elle avait, par instant, comme une certaine méfiance de cette exaltation dont elle n’avait jamais conçu l’idée, et dont elle craignait de n’être pas capable.

Cependant il est si doux de se sentir aimé, que Geneviève s’abandonna sans peine à ce bien-être nouveau : elle s’habitua à penser qu’elle n’était plus seule au monde ; qu’une autre ame sympathisait à toute heure avec la sienne, et que désormais elle ne porterait plus seule le poids des ennuis et des maux de la vie. Elle fit ces réflexions en s’habillant le lendemain ; et en comparant cette matinée à la journée précédente, elle s’avoua qu’il lui avait fallu