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LUTHER À LA DIÈTE DE WORMS.

À l’âge de dix-huit ans, il se rendit à l’université d’Erfurt. Il y apprit la philosophie scholastique, et il y étudia l’antiquité et la jurisprudence. Il avait une pénétration extrême ; dès qu’il s’appliquait à une chose, il la savait ; dès qu’il la savait, il ne l’oubliait plus.

La Bible, qu’il lut pour la première fois à Erfurt, saisit son imagination par sa simplicité, sa grandeur, et le rendit encore plus profondément religieux. Mais ce qui décida de sa vocation, ce fut la mort d’un de ses amis, frappé de la foudre à côté de lui. Il quitta alors le monde pour le cloître, et la jurisprudence pour la théologie. Il se fit moine-mendiant. Il entra dans l’ordre des Augustins. Il suivit les pratiques, il remplit les devoirs, il subit les privations de la vie monastique avec la plus rigoureuse austérité. Cet homme, qui devait remplir bientôt l’Europe de son nom et d’une immense révolution, se condamnait, avec une soumission humble, aux travaux les plus abjects de son couvent, pour lesquels il quittait la lecture de saint Augustin et de saint Paul, le père de l’Église et l’apôtre qu’il aimait le mieux et qu’il lisait le plus.

Il fut envoyé, en 1508, par le vicaire provincial de son ordre, Jean de Staupitz, à l’université de Wittemberg, que l’électeur de Saxe venait de fonder, afin d’y professer d’abord la philosophie et ensuite la théologie. Il avait appris le grec et l’hébreu, les deux grands instrumens d’innovation de l’époque, les deux langues qui, remises alors en honneur, conduisirent à des idées nouvelles en faisant remonter à la source des idées anciennes. Elles le ramenèrent peu à peu, par la connaissance des textes, au christianisme primitif, et commencèrent à le détacher du catholicisme.

En 1510, il fit un voyage à Rome, dans l’intérêt de son ordre. C’est alors qu’il éprouva, pour les opinions et les mœurs du clergé romain, cette répugnance, et pour les pompes de la cour pontificale qu’alimentaient surtout les tributs de l’Allemagne, cette haine qu’il renferma pendant sept ans en lui-même, mais qui en sortirent, en 1517, par une soudaine explosion. Après son retour, il fut fait docteur aux frais du duc Frédéric, qui l’avait déjà pris en affection, parce que l’éclat de son savoir et de ses leçons attiraient à Wittemberg la jeunesse allemande et illustraient son université naissante. Comme Luther aimait le combat, et qu’il ne craignait pas les