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guère inquiété de pénétrer les institutions et les mœurs qu’il a vues ; il a perpétué le changement, dans l’espérance de perpétuer le plaisir.

Il a traversé au pas de course des nations entières, dont chacune, pour être dignement interprétée, demanderait plusieurs années d’étude. Comme si chacune de ses journées comptait les heures par centaines, comme s’il était sûr que sa pensée ne s’endort jamais, après un séjour de quelques semaines il se prononce hardiment. Il estime d’un premier regard les traditions qui régissent les familles, les lois qui veulent corriger les traditions sans les détruire ; dans son ardeur de sagacité, il va plus loin, il prophétise l’avenir de ses hôtes. À moins que les langues de feu ne soient descendues sur sa tête, je ne sais comment expliquer l’inépuisable inspiration qui anime le voyageur ; il devine les institutions qu’il coudoie, comme s’il n’avait qu’à fouiller dans ses souvenirs ; il éclaire, il analyse les peuples qui lui donnent asile, comme s’il les connaissait de longue main ; on dirait que toute sa tâche se réduit à vérifier, non pas des idées préconçues, mais des idées lentement développées dans l’étude et le recueillement. Sans doute, en quittant Marseille, il savait l’Orient tout entier. Il avait amassé dans sa mémoire tous les documens rassemblés par l’Allemagne, l’Angleterre et la France ; il avait comparé, contrôlé l’une par l’autre toutes les leçons de l’érudition moderne. S’il en était autrement, il n’oserait pas trancher délibérément comme il fait ; il ne résoudrait pas en quelques mots les questions religieuses, politiques et militaires ; il ne déciderait pas d’un trait de plume les problèmes qui arrêteraient long-temps la sagacité d’un concile, d’un parlement ou d’un conseil de guerre.

Il y a, je l’avoue, dans cette manière leste et hardie de saccager les questions, quelque chose de séduisant pour le plus grand nombre. La réflexion, je ne l’ignore pas, a ses fatigues et ses ennuis. Trop souvent c’est un labeur ingrat, et qui n’aboutit qu’au doute désespéré ; mais parfois aussi la réflexion est bonne à quelque chose : il lui arrive de conseiller sagement, et de forcer au silence une idée confuse ou obscure. Cela vaut bien un remerciement, n’est-ce pas ?

Est-ce dans les Antiquités attiques de Stuart que M. de Lamar-