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L’OR DES PINHEIROS.

fois il est arrivé qu’après des années d’attente mutuelle, deux ennemis de cette espèce se rencontrèrent inopinément dans les forêts loin de tout séjour habité. L’un d’eux devait alors renoncer à la vie ; le vainqueur, après le combat, omettait rarement de déposer le vaincu dans sa dernière demeure ; il s’agenouillait ensuite sur la fosse, y récitait quelques prières, et après y avoir planté une croix formée à la hâte de deux morceaux de bois, il s’éloignait sans y penser davantage. Le désert gardait fidèlement le secret, et tout était dit.

Des individus, ces haines implacables s’étendaient aux familles qui épousaient fidèlement la cause de chacun de leurs membres, quel que fût le degré de parenté. Presque sans interruption, la ville était remplie de troubles et de dissensions ; ce que la vendetta produit encore de nos jours en Corse, se voyait donc alors à Saint-Paul, avec cette différence néanmoins qu’elle empruntait aux mœurs rudes de ce siècle une énergie dont notre époque est à peine susceptible.

Hâtons-nous d’ajouter que cette esquisse incomplète des Paulistas d’autrefois ne convient en aucune façon à ceux d’aujourd’hui. Ces derniers n’ont hérité de leurs pères qu’une noble fierté, une bravoure d’autant plus remarquable, que cette qualité n’est pas la vertu dominante des Brésiliens, et une certaine ardeur aventurière qui s’épanche en louables entreprises. Saint-Paul, par beaucoup d’endroits, ressemble à une ville de l’Andalousie : par la molle sérénité de son climat, son amour de la danse et la gaieté franche qui anime les réunions de ses habitans. Il n’est pas rare d’y entendre, comme à Cadix, les sons de la guitare, à une heure avancée de la nuit, sous quelque fenêtre grillée qu’entr’ouvre à demi une main incertaine. Les femmes qui reçoivent ces hommages sont célèbres dans tout le Brésil par la vivacité de leurs graces, témoin le triple proverbe qui dit pour Pernambuco : elles et non eux ; pour Bahia : eux et non elles ; enfin pour Saint-Paul : elles et encore elles.

Les premiers Paulistas s’entendaient mieux à manier l’épée ou le marteau du mineur que la plume, et n’ont laissé aucune relation de leurs exploits, ainsi que l’ont fait quelques-uns des flibustiers, Raveneau de Lussan entre autres. Faute, sans doute, de documens