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La chambre de 1831 fut dissoute au mois de mai 1834. Les élections générales s’accomplirent le 21 juin de la même année, sur tous les points de la France. Alors la société bourgeoise venait d’être profondément agitée par des événemens dont le ministère avait assombri la physionomie déjà si triste. Le mois d’avril avait vu les scènes sanglantes de la rue Transnonain, les journées plus épouvantables encore de Lyon ; cet ordre public, pour lequel tant de consciences faisaient d’innombrables sacrifices, avait été violemment compromis. La bourgeoisie, qui compose le corps électoral, s’était alarmée ; elle craignait pour ses intérêts remis en question. Le ministère exploita avec une incontestable habileté cette situation des esprits.

À toutes les époques, la bourgeoisie se préoccupe de certaines idées qui l’empêchent de distinguer les vérités les plus simples. Le peuple a ses instincts du vrai ; l’aristocratie, son esprit de convenance fin et délicat, qui lui tient souvent lieu d’intelligence haute et ferme dans les questions sociales ; mais la classe moyenne se dessine tout d’une pièce : quand elle a peur, aucun autre sentiment ne l’atteint ; quand ses intérêts sont menacés, elle jetterait au pied du pouvoir liberté, garanties ; elle permet tout, elle autorise tout. Dans les journées d’avril, il eût suffi de signaler le républicanisme de quelques jeunes hommes, pour les exposer à toutes les réactions de la bourgeoisie de Paris. Ce fut sous l’impression de ces idées que les élections de 1834 s’accomplirent. On a dit que la chambre des députés n’était pas l’expression exacte de la société ; ce n’est pas notre avis : selon nous, cette chambre reproduisit dans toute sa vérité l’esprit de la classe moyenne à l’époque où elle fut élue. Il y avait alors une préoccupation passagère, et le pouvoir l’exploita ; rien de plus simple. La durée de nos parlemens est trop longue : dans l’espace de cinq ans, les opinions se modifient, les circonstances changent ; une chambre pouvait être l’expression de la société il y a un an, elle ne l’est plus aujourd’hui. Il faut avouer que le renouvellement fractionnaire par cinquième avait des avantages ; il faisait pénétrer lentement les opinions du pays dans une chambre déjà vieillie ; il la rajeunissait chaque année par une masse de votes suffisans pour modifier sa majorité.

Toute chambre nouvelle est difficile à étudier, parce que ses nuances ne se sont pas encore parfaitement dessinées, parce que les opinions n’ont pas eu le temps de se grouper avec une netteté tellement constante, qu’il soit possible de les apprécier avec exactitude. Nous ne croyons pas que le ministère mixte du maréchal Gérard, sous l’empire duquel se firent les élections, pût d’avance compter sur une majorité. Ce ministère avait souvent parlé de son homogénéité ; il n’était dans le fait qu’un